Chapitre 4 -suite et fin
Je remercie tout particulièrement Sylvia Ferraro pour l'enrichissement qu'elle apporte à l'Association de Recherche en Art et Thérapie de Béziers (France).
Mis en ligne avec l'aimable autorisation de l'auteure.
J'exposerai un cas de psychothérapie individuelle dans lequel la Musique acquiert une place
importante.
Marie, ou
comment la Vie
peut trouver son dernier bastion dans la Musique.
Une adolescente de 17 ans, qui a toujours été une étudiante excellente,
très auto-exigeante, est amenée à ma consultation par sa mère. La jeune fille est
extrêmement déprimée. Elle a des problèmes de rendement scolaire pour la
première fois dans ses études. Son sentiment de solitude et sa douleur ne
trouvent pas consolation ni dans le sein familial ni dans la compagnie de ses
amis.
Dans le deuxième entretien, seule
avec moi, elle me raconte qu’elle a commencé à se brûler la peau avec des
cigarettes et qu'elle cache un couteau sous le matelas de son lit avec lequel
elle "joue" et avec lequel elle se produit de petites coupures. Par
moments elle ne désire plus vivre.
Elle rêve avec insistance d'une scène dans laquelle une jeune fille comme
elle apparaît morte, saignée, dans le bain du collège.
Etant donné que l'un de ses plus
grands plaisirs a toujours été la
Peinture , je lui demande de se dessiner ou de se colorier
elle-même. Elle essaye mais elle
éclate en sanglots en déclarant
qu'elle ne peut pas le faire, elle ne sait même pas par où commencer. Je
comprends qu'elle a perdu la représentation de son corps.
Je présente à la famille le besoin
de commencer la psychothérapie en étroite coordination avec un abordage
psychiatrique, ce que je fais immédiatement.
Peu de jours après nous réalisons une séance dans son domicile puisqu'elle
ne réussit pas à se lever du lit. J'observe qu'elle a peint toute sa chambre à
coucher en simulant un enfer : des flammes sortent du plancher s’élevant par
les murs. L'œuvre est sans doute très harmonieuse dans sa forme et ses couleurs,
et des images se détache une grande beauté. Son talent d’artiste me permet
d'une manière que je ne peux pas expliquer, avoir confiance dans son évolution.
Le lien thérapeutique est récent mais il est rapidement approfondi.
Dans sa chambre une musique sonne de façon permanente qu'elle a choisie
comme compagnie privilégiée : "Chanson pour ma mort" du groupe rock
argentin "Sui Generis". Elle dit que cette chanson la calme. Elle
trouve une consolation et une compréhension dans son écoute et chante à son
tour avec le disque par moments. Je l'accompagne, puisque je connais la chanson
qui parle de la mort comme d'une maîtresse. Le protagoniste "prépare le
lit pour deux", un lit d’amour et de mort au même temps.
Ma patiente à son tour, ajoute sur
la mort qu’elle l'imagine comme une très belle femme, très blanche, dans le
giron de laquelle elle trouvera enfin la paix et le soulagement. Je peux sentir
son angoisse intense sur moi, malgré son apparent état paisible.
La musique finit et recommence continuellement, elle ne s'arrête jamais, en
créant un climat dans la chambre que j’expérimente comme un support
symbolique.
Elle semble
essayer de tisser une faible maille dans le vide.
La situation continue à être très précaire,
et, peu de jours après, Marie essaie de se jeter par la fenêtre de son
habitation, dans un huitième étage. Elle est prise fort à temps par la bonne de
la maison, que Marie aime comme une mère, puisqu'elle a pratiquement occupé cette place dans sa vie et celle de sa sœur, étant donné le travail qui
absorbent ses parents.
Je lui rends visite dans la clinique dans laquelle elle a été internée, au
cours de sa récupération elle peut me parler de son désespoir profond et de son
"vide presque total". Quand je lui demande le pourquoi du mot
« presque », elle me dit : "Ceci a à voir avec la
Musique ... c'est l'extase pour moi ... quelque chose de beau
... c'est l'une des seules choses qui me fait sentir vivante et heureuse ...
seulement pour vivre quelque chose de pareil encore une fois (elle se réfère à
un concert auquel elle a assisté auparavant) cela vaut la peine de continuer
à vivre".
Sans entrer dans les considérations psychopathologiques de ce cas, complexe
aussi parce qu’il s’agit d'une adolescente, je trouve important de souligner
que chez cette patiente la création artistique qu’elle pouvait encore atteindre
(la peinture) , et à la fin la
Musique , ont étés des éléments qui ont étés toujours présents jusqu'au dénouement de la crise et qui
ont collaboré tout de suite à son rétablissement .
Une année après cette crise la psychiatre traitante a commencé à retirer la
médication et après trois ans elle ne l'a plus considérée nécessaire.
Heureusement sa récupération a été
couronnée de succès.
Neuf ans après, Marie est aujourd'hui un Docteur en Médecine Vétérinaire,
engagée avec des organisations de défense de la vie sur la planète. Elle vit
avec sa partenaire. Elle n'a pas eu de rechutes.
Actuellement, elle me consulte très sporadiquement à propos de sujets ponctuels. Elle maintient son amour pour les arts, et se souvient
comment à l’époque critique elle sentait que seulement lui restait la
Musique.
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J'ai voulu tracer dans une forme très
schématique à ce travail mon positionnement théorique, et montrer avec ces
vignettes une modalité clinique à laquelle je suis arrivé dans une synthèse
personnelle au long des années. Il s’agit d’une synthèse toujours provisoire,
ouverte qui se nourrit d'une manière permanente.
Je suis pleinement convaincue
que celle-ci et d'autres manières possibles de médiation avec l'Art et
l'expression, constituent une grande promesse face aux défis, chaque fois plus
grands auxquels nous sommes confrontés en clinique, et en général toute
intervention dans la santé mentale à l’heure actuelle.
L'énorme potentiel, la versatilité des médiateurs expressifs - artistiques,
nous encourage, en tant que psychothérapeutes, à créer de façon permanente.
Nous pouvons dire que la Science nous invite à l'Art,
et celui-ci à son tour, nous permet d'explorer et d'agrandir les frontières de la Science.
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