lundi 6 mars 2017

TRILOGIE de L'ERRANCE / 3ème épisode par Chantal RAJIC


"Va voir là-bas si j'y suis" ou l'étrange "là-bas"

Nous avons tous entendu cette expression étrange dans notre enfance. Elle venait nous dire qu'il fallait un peu s'éloigner, mettre de la distance, qu'il fallait ne pas déranger par notre attitude ou nos questionnements l'adulte proche de nous. Il fallait être rapidement là où je ne suis pas. Ce là-bas c'était n'importe où pour nous, dans un lieu connu, imaginaire ou simplement au fond du jardin ou de la cour. En même temps, elle était drôle cette expression, elle nous faisait sourire parce qu'elle n'était pas sérieuse. Nous savions bien que la personne n'y serait pas. Mais pourquoi nous le dire ? Pourquoi nous faire croire à ce dédoublement ? Alors on  faisait semblant de s'éloigner tout simplement.

Pour d'autre ce là-bas renvoie à une autre mémoire, un autre territoire, un autre continent. Là-bas derrière la mer, un refuge au soleil du réfugié.

Cette phrase que tout parent pouvait prononcer résonne doublement à présent dans l'absence du père.
Là-bas, il a laissé sa trace, testament de son passage sur une terre inconnue comme une terre promise.
Là-bas, y-a-t-il pensé, bercé par les souvenirs pour se protéger contre la peur de la vie qui se retire ?
Là-bas, l'endroit où l'on n'est pas mais qui fait tant de bien pour panser les tourments de la pensée d'un corps chaviré.
Là-bas c'est une douceur sucrée,
Là-bas comme une anesthésie pour oublier la vie.
Là-bas c'est l'étranger qui rit.

Il a fallu du courage pour mettre à nu ce parcours étrange d'étranger réfugié et pour le réciter en témoin du passé.
Ce passage douloureux qui faisait écho à un deuil récent et qui dans le silence révélait son absence projetait les mots comme une délivrance.
Des mots offerts en hommage,
des mots comme un cri,
le cri d'un nouveau- né délivré du passé.

Un enfant renaît à la vie, adulte, après avoir tout dit ou presque...
"Laissez-moi terminer" mais le temps est compté. Même s'il manquait quelques pages pour aller jusqu'au bout de cette rage, l'émotion surnage.
Le  temps ? Depuis si longtemps que j'attends ! Je suis venu de loin... L'émotion se propage.
Ce qui restait à dire ne le sera pas.

Là-bas, il est parti là-bas au pays d'où l'on ne revient pas,
Là-bas n'est plus là-bas,
c'est un autre pays que je ne connais pas.

Ici, j'y suis, j'y reste.
Là-bas, ci-gît suis.
Ici ou là-bas tu viendras me voir papa comme autrefois ?
Il y a parfois des signes qui ne trompent pas.
Un autre enfant est né avec une nouvelle identité, celui qui a témoigné pour l'éternité avec sincérité et générosité.

Naissance, résistance, souffrance, résilience, chance, reconnaissance, essence, absence, renaissance... tout a un sens à la lumière du cycle de la vie dont la roue tourne comme une symphonie.

Comme une délivrance au pays de l'errance,
une terre d'accueil comme une terre happy !

J'ai écouté entre les mots, entre les espaces, l’exaltation, la peur, la douleur et le sentiment du devoir accompli.
Là-bas c'est ce que l'on ne nomme pas mais qui englobe toute la surface du globe, c'est un point lumineux qui fait cligner des yeux.
Toute étrangeté avec ce qui a existé n'est que pure coïncidence.
Toute création est une solution.

Avec l'aimable autorisation de mon amie Chantal RAJIC.