La maladie mentale a toujours provoqué l'effroi. Les sociétés ont réagi diversement aux innombrables manifestations de la folie. Les religions et les superstitions ont offert les premières tentatives de réponse à ces comportements hors normes : rites, exorcismes, bénédictions, prêches, morale. Mais la peur était trop forte et les pratiques se sont aggravées : la nef des fous (les malades mentaux étaient placés dans des barques et chassés sur les rivières), la fosse aux serpents (les aliénés étaient précipités dans des fosses remplies de serpent - ce qui était censé les guérir), les cages tournantes, en fait, le bannissement ou l'enfermement.
Ce n'est qu'à la Révolution de 1789 que sont apparues les premières pratiques humanistes, avec Pinel et le retrait des chaînes qui entravaient les fous.
Un effort de réflexion sur la maladie mentale a vu le jour au XIXème siècle. Après la seconde guerre mondiale, un mouvement de contestation a traversé l'hôpital psychiatrique et a permis une prise en charge plus humaniste des malades mentaux.
David Cooper, l'antipsychiatre, a déclaré que nous sommes tous fous. Encore faut-il s'entendre sur ce que cela signifie.
Potentiellement et en fonction de notre histoire, nous pouvons tous, un jour ou l'autre, déraper de nos mécanismes habituels d'adaptation à la réalité et perdre le contrôle de nos actes. La névrose nous en préserve, parce que nous avons plus ou moins bien traversé nos périodes archaïques, prénatales, natales, préoedipiennes pu prégénitales. Dans le gouffre de nos inconscients grouillent les pulsions incontrôlées de l'état limite et, plus encore, le chaos apparemment incohérent de la psychose. Quelques éléments de connaissance peuvent nous permettre de mieux nous comprendre, nous et ceux que l'on appelle aliénés ou malades mentaux.
Dans les années 50 et 60, le mouvement antipsychiatrique a explosé en Angleterre, Allemagne, France, Italie, Belgique, Suisse et Etats-Unis. Les anglais David Cooper et Ronald Laing ont remis en question la dichotomie entre fous et gens dits normaux. A titre de travaux pratiques, David Cooper a créé le pavillon 21, Kingsley Hall, à Londres, et Archway, en Ecosse. Les soignés étaient accompagnés sans médicaments par les soignants.
En Italie, Psychiatria democratica, avec Franco Basaglia et Giovanni Jervis, a pratiquement vidé les hôpitaux psychiatriques. Appuyé par un puissant courant militant, Psychiatria democratica a permis à beaucoup de patients de sortir de l'hôpital, entre autres, en réussissant à travailler.
En Allemagne, la contestation a été radicalement politique, en particulier avec le Socialistich Patient Kollectif (SPK).
Pour la France, est venue de l'hôpital de Saint-Alban, en Lozère, toute une cohorte d'antipsychiatres qui ont lancé la psychothérapie institutionnelle. Le docteur Jean Oury et Felix Guattari en ont été les principaux initiateurs à la clinique de La Borde, à Cour-Cheverny. En 1975 l'antipsychiatrie, n'ayant pas réussi à renverser l'hôpital, est devenue l'Alternative à la Psychiatrie. Son objectif était de multiplier les Lieux de Vie, afin de rendre l'hôpital inutile.
C'est dès 1960 que Lucien Bonnafé a formulé l'idée du secteur psychiatrique. Il s'agissait, pour les équipes soignantes, de sortir de l'hôpital et de suivre les patients en ville.
Cela a vraiment commencé à fonctionner en 1972, puis s'est systématisé à partir de 1981, avec l'arrivée de la gauche au pouvoir. Les infirmiers, médecins et psychologues ont créé, en plus des Centres Médico-Psychologiques, des Foyers, Centres d'Accueil Thérapeutique à temps partiel, appartements, hôpitaux de jour et autres structures.
La récupération économique des idées antipsychiatriques par l'Etat a permis de prendre de plus en plus en charge les patients en ville et même chez eux.
Mais les impératifs de rentabilité dévoient en partie la qualité de ce travail. Des traitements inadaptés, psycho-cognitivistes ou chimio-thérapiques, avec des sujets à pathologie lourde, autant sociale que psychologique, sont à l'origine d'un véritable désastre. De nombreux patients se retrouvent à la rue et, livrés à leur problématique, ingérable pour eux, finissent par se retrouver en prison.
Sur les questions de la psychiatrie, il est notamment l'auteur de "La Mort de l'asile" (Editions libertaires, 2006).