Prise en charge de l’autisme : oui au libre choix de la méthode de soin, non à l’interdiction de la psychanalyse
L’autisme à l’Assemblée nationale
Un article de Pierre-Gilles Guéguen paru dans « Lacan Quotidien » 617 (20/12/2016)
Mardi 27 décembre 2016, par MB // Lire, Ecouter, Voir
Dans Lacan Quotidien 617
Le 8 décembre à Paris avait lieu une séance publique de l’Assemblée nationale concernant la prise en charge de l’autisme. Elle faisait suite à la déposition d’une proposition de résolution par le député Daniel Fasquelle, appartenant à la formation LR (Les républicains, formation parlementaire de droite), connu comme militant pour le traitement comportementaliste des troubles du spectre autistique. En France une résolution n’est pas une proposition de loi, mais si elle est votée par l’Assemblée, elle vaut comme un avis de ladite Assemblée et peut donc par la suite donner éventuellement lieu à une proposition de loi1.
Or il se trouve que cette résolution, proposée au vote ne demandait pas moins au Gouvernement français que « de condamner et d’interdire les pratiques psychanalytiques sous toutes leurs formes » pour la prise en charge de l’autisme au motif qu’elles ne sont « pas recommandées par la HAS ». Douze députés ont pris part à la discussion générale dans un hémicycle clairsemé en présence de Madame Ségolène Neuville, médecin et secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion, dans le gouvernement actuel. La résolution n’a pas été adoptée. Ce qui est heureux pour la psychanalyse sans cesse harcelée par des partisans de la prise en charge de l’autisme selon des méthodes importées d’outre-atlantique et dont les « résultats » pourtant ardemment vantés, ne sont pas plus probants que ceux d’une autre méthode – mais là n’est pas notre propos car nos point de vues sont régulièrement rapportés dans Lacan Quotidien2.
Il se trouve que cinq des douze députés, qui ont participé à ce « débat général » sous forme d’une contribution lue à la tribune et qui ont emporté le vote contre la proposition de résolution, ont soutenu des positions fortes et argumentées qui méritent d’être portées à la connaissance de l’opinion éclairée à qui s’adresse Lacan Quotidien.
Le député François Asensi (gauche démocrate et républicaine), interpellant M. Fasquelle qui avait d’abord lu devant ses collègues présents un texte à l’appui de sa résolution demandant aux professionnels « d’accepter de se remettre en cause, d’abandonner les traitements inefficaces et même dangereux et maltraitants, pour s’ouvrir aux méthodes dont [il a] pu mesurer personnellement l’efficacité », est allé droit au but :
« Sous couvert d’apporter une vérité scientifique, a-t-il déclaré, ce texte a pour principal objectif d’interdire à terme l’approche psychanalytique dans le suivi des enfants atteints d’autisme au profit des théories comportementales. Les députés du front de gauche y sont fermement opposés ».
Et il poursuivait :
« La proposition de résolution qui nous est soumise est selon moi dangereuse ; ce texte procède clairement à un détournement des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) […] tout d’abord en voulant transformer de simples recommandations en injonctions d’une force juridique contraignante, ensuite en affirmant que les méthodes recommandées sont validées scientifiquement alors qu’il n’existe aujourd’hui aucun consensus entre les experts médicaux, enfin en prétendant que la psychanalyse se trouverait sur la liste des méthodes non recommandées. Il s’agit là d’une contre vérité puisque la HAS a toujours pris soin de classer la psychanalyse parmi les méthodes non consensuelles et non parmi les méthodes non recommandées. »
« Cette résolution s’inscrit dans la controverse liée à la psychanalyse alors que ses apports ne sont plus à démontrer. »
« Comment prétendre imposer une vérité scientifque alors que les experts médicaux sont eux-mêmes divisés […]. Il n’appartient pas aux pouvoirs publics de juger de la pertinence des choix cliniques. Cette proposition de résolution remet ainsi en cause la liberté de prescription des médecins. »
Sur ce point au moins il était suivi par le député Gilles Lurton du groupe LR qui affirmait également :
« Il n’est pas question de remettre en cause la liberté des médecins ou de la pédopsychiatrie et de la psychanalyse. Je crois que le pédopsychiatre et le psychanalyste sont appelés à l’avant-poste de la prévention pour trouver des solutions aux difficultés auxquelles certains de nos concitoyens ont affaire ».
Quant au député socialiste, écologiste et républicain Gérard Sebaoun, il entamait une critique de fond :
« La lecture de votre proposition m’a fait l’effet d’une posture monolithique […]. La charte des médecins libéraux leur impose la liberté de prescription, votre résolution n’en a cure. Si je ne vous imagine pas en partisan d’une science offcielle dont on a connu en d’autres temps les ravages dans des régimes totalitaires, j’avoue que je ne comprends pas l’essence de cette résolution ».
« Vous exhibez des chiffres très contestables : 44% des personnes autistes seraient victimes de maltraitance, de mauvais traitements ou de carence en matière de soins, cette affirmation repose sur une enquête, effectuée par mail et portant sur 538 familles répondeuses elle n’a rien de scientifique sur le plan méthodologique, la question induisant tout ou partie de la réponse. Pire : malgré ce biais vous n’hésitez pas dans votre exposé des motifs à extrapoler en affirmant que 250 000 personnes en France seraient victimes de maltraitance. Je vous le dis sans précautions oratoires : j’y vois une manipulation dangereuse…. ».
Et il concluait par les propos suivants :
« Vous finissez en amalgamant psychanalyse et maltraitance et vous n’hésitez pas à appeler la condamnation pénale des professionnels mal pensants ou dans votre esprit, déviants […]. J’appelle tous mes collègues à la rejeter. »
Denys Robiliard, lui aussi du groupe socialiste, écologiste et républicain, se montrait encore plus précis dans sa critique :
« Votre proposition M. Fasquelle pose le problème de la déontologie du législateur »
« Le respect dû aux personnes autistes suppose d’abord l’exactitude or il n’y a pas d’exactitude dans ce que vous rapportez dans les considérant de votre proposition de résolution, d’abord sur les chiffres : entre le 1 pour cent (du pourcentage de la population souffrant d’autisme) que vous indiquez et le deux pour mille que l’on trouve en 2010 annoncé par la HAS, il y a quand même une très grande différence qui mériterait d’être expliquée. Il n’y a pas non plus d’exactitude s’agissant de l’efficacité des méthodes ABA pour reprendre la plus connue et la plus répandue. Non pas que je conteste dans son principe cette méthode, du moins à ce stade, simplement on ne peut pas lui faire la publicité que vous lui faites. Je pense à l’étude Shea qui date de 2004, et que vous connaissez, à l’étude Cruweiler qui date de 2012 et que vous connaissez et à l’étude spécifique sur les 28 centres expérimentaux, mis en place en 2010, qui malheureusement ne donnent pas les résultats que vous dites… Il s’agit de l’étude Cekoïa qui a été exécutée à la demande de la CNSA3 en 2015 et qui mériterait d’être citée4. »
« Vous écrivez dans votre projet de résolution que la France aurait été condamnée en 2015 par la Cour européenne, je vous avoue n’avoir trouvé aucun arrêt qui ait condamné la France en raison de pratiques en matière d’autisme ».
Le député reprend alors les critiques déjà formulées par ses collègues selon lesquelles le texte de D. Fasquelle détourne le sens même des recommandations de la HAS. Puis il en vient à l‘allégation de scientificité que celui-ci attribue aux méthodes comportementales :
« La méthode ABA et la méthode Denver – qui est d’ailleurs d’inspiration psychanalytique – ne bénéficient que du niveau B en matière de scientifcité ce qui n’est qu’une présomption de scientificité, alors que le grade A n’a été attribué à aucune méthode. »
Enfin il conclut en précisant ce que le député Gérard Sebaoun avait évoqué avant lui : « Votre méthode qui aboutirait à faire de la HAS l’autorité prescriptrice, qui obligerait les médecins à suivre vos recommandations en toute matière y compris quand ce sont des non-recommandations, c’est-à-dire quand elle ne se prononce pas – c’est le cas pour la psychanalyse « faute de preuve », dit-elle, et on pourrait discuter des raisons pour lesquelles il n’y a pas de preuve. Eh bien ! Votre proposition, c’est la définition d’une science officielle, c’est, me semble-t-il, du lyssenkisme et je crois que la pire des choses que nous puissions faire pour les personnes autistes serait de suivre les préconisations d’un Lyssenko5 au petit pied. »
Chantal Guittet, députée du groupe socialiste écologiste intervenait la dernière dans le débat en affirmant : « L’orientation de votre proposition, et celle de vos collègues est en totale contradiction avec les principes fondamentaux de notre législation sanitaire. Le libre choix constitue un des principes actuels de la pratique médicale. Si je comprends bien votre résolution vous souhaitez revenir sur cela : curieux pour des députés qui sont les chantres du libéralisme de proposer une résolution liberticide ! »
« Vous prétendez que la psychanalyse fait partie des méthodes non recommandées (par la HAS) alors que la Haute autorité a bien pris soin de la classer dans les méthodes non consensuelles.
Les efforts pour figer le savoir ne font jamais bon ménage avec le progrès. »
Grâce à ces interventions de parlementaires déterminés la résolution Fasquelle n’a pas été adoptée, c’est une victoire pour la psychanalyse. Une victoire momentanée sans doute car d’autres batailles sont à prévoir, mais qui donnera satisfaction aux 20 000 personnes qui ont signé la pétition « La Cause de l’autisme » lancée par l’École de la Cause freudienne et l’Institut psychanalytique de l’enfant. C’est aussi une satisfaction de constater que les députés ci-dessus évoqués, qui ont représenté leurs groupes dans ce débat parlementaire, aient su indiquer la place de la psychanalyse et distinguer aussi clairement scientisme et science véritable. Nos représentants et le monde politique si souvent critiqués aujourd’hui, en sortent grandis.
Pierre-Gilles Guéguen
Notes :
1 Consulter la fiche de synthèse n°46 sur le site de l’Assemblée Nationale : Sur la définition constitutionnelle des résolutions consulter la fiche de synthèse n°46 sur le site de l’Assemblée Nationale :
2 Consulter notamment Lacan Quotidien 568 et Lacan Quotidien 569 : « L’expérimentation institutionnelle d’ABA en France : une sévère désillusion » par J.-C. Maleval et M. Grollier
3 CNSA : Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (des personnes dépendantes).
4 Cf. Rapport cité et commenté par J.-C. Maleval et M. Grollier, « L’expérimentation institutionnelle d’ABA en France : une sévère désillusion », LQ 568 et LQ 569, 29 février & 5 mars 2016.
5 Lyssenko, un agronome russe, est à l’origine d’une théorie pseudo-scientifque « la génétique mitchourinienne », qui accède en 1948 sous le régime de Staline au rang de théorie officielle exclusive, opposée à une « science bourgeoise » fausse par essence. Depuis, le terme de lyssenkisme désigne par extension une science corrompue par l’idéologie où les faits sont dissimulés ou erronément interprétés. (Wikipédia)
On peut aussi lire :
- La pétition Prise en charge de l’autisme : oui au libre choix de la méthode de soin, non à l’interdiction de la psychanalyse,
- Pratiquer l’art-thérapie... en s’orientant de la psychanalyse, la lettre ouverte d’une art-thérapeute s’orientant à partir de la psychanalyse,
- C’est quoi l’autisme Monsieur le Député Fasquelle ?, la lettre ouverte d’une psychologue clinicienne co-fondatrice de l’association Geppetto,
- Prêter ma voix..., la lettre ouverte d’une psychologue clinicienne orientée par la psychanalyse,
- Au cœur de l’école inclusive, la lettre ouverte d’une psychologue en milieu scolaire.
- Spécial autisme, contre la résolution Fasquelle, l’Hebdo-Bog 90.
- L’autisme à l’Assemblée nationale, un article de Pierre-Gilles Guéguen paru dans Lacan Quotidien 617.
L’autisme à l’Assemblée nationale
Un article de Pierre-Gilles Guéguen paru dans « Lacan Quotidien » 617 (20/12/2016)
Mardi 27 décembre 2016, par MB // Lire, Ecouter, Voir
Dans Lacan Quotidien 617
Le 8 décembre à Paris avait lieu une séance publique de l’Assemblée nationale concernant la prise en charge de l’autisme. Elle faisait suite à la déposition d’une proposition de résolution par le député Daniel Fasquelle, appartenant à la formation LR (Les républicains, formation parlementaire de droite), connu comme militant pour le traitement comportementaliste des troubles du spectre autistique. En France une résolution n’est pas une proposition de loi, mais si elle est votée par l’Assemblée, elle vaut comme un avis de ladite Assemblée et peut donc par la suite donner éventuellement lieu à une proposition de loi1.
Or il se trouve que cette résolution, proposée au vote ne demandait pas moins au Gouvernement français que « de condamner et d’interdire les pratiques psychanalytiques sous toutes leurs formes » pour la prise en charge de l’autisme au motif qu’elles ne sont « pas recommandées par la HAS ». Douze députés ont pris part à la discussion générale dans un hémicycle clairsemé en présence de Madame Ségolène Neuville, médecin et secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion, dans le gouvernement actuel. La résolution n’a pas été adoptée. Ce qui est heureux pour la psychanalyse sans cesse harcelée par des partisans de la prise en charge de l’autisme selon des méthodes importées d’outre-atlantique et dont les « résultats » pourtant ardemment vantés, ne sont pas plus probants que ceux d’une autre méthode – mais là n’est pas notre propos car nos point de vues sont régulièrement rapportés dans Lacan Quotidien2.
Il se trouve que cinq des douze députés, qui ont participé à ce « débat général » sous forme d’une contribution lue à la tribune et qui ont emporté le vote contre la proposition de résolution, ont soutenu des positions fortes et argumentées qui méritent d’être portées à la connaissance de l’opinion éclairée à qui s’adresse Lacan Quotidien.
Le député François Asensi (gauche démocrate et républicaine), interpellant M. Fasquelle qui avait d’abord lu devant ses collègues présents un texte à l’appui de sa résolution demandant aux professionnels « d’accepter de se remettre en cause, d’abandonner les traitements inefficaces et même dangereux et maltraitants, pour s’ouvrir aux méthodes dont [il a] pu mesurer personnellement l’efficacité », est allé droit au but :
« Sous couvert d’apporter une vérité scientifique, a-t-il déclaré, ce texte a pour principal objectif d’interdire à terme l’approche psychanalytique dans le suivi des enfants atteints d’autisme au profit des théories comportementales. Les députés du front de gauche y sont fermement opposés ».
Et il poursuivait :
« La proposition de résolution qui nous est soumise est selon moi dangereuse ; ce texte procède clairement à un détournement des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) […] tout d’abord en voulant transformer de simples recommandations en injonctions d’une force juridique contraignante, ensuite en affirmant que les méthodes recommandées sont validées scientifiquement alors qu’il n’existe aujourd’hui aucun consensus entre les experts médicaux, enfin en prétendant que la psychanalyse se trouverait sur la liste des méthodes non recommandées. Il s’agit là d’une contre vérité puisque la HAS a toujours pris soin de classer la psychanalyse parmi les méthodes non consensuelles et non parmi les méthodes non recommandées. »
« Cette résolution s’inscrit dans la controverse liée à la psychanalyse alors que ses apports ne sont plus à démontrer. »
« Comment prétendre imposer une vérité scientifque alors que les experts médicaux sont eux-mêmes divisés […]. Il n’appartient pas aux pouvoirs publics de juger de la pertinence des choix cliniques. Cette proposition de résolution remet ainsi en cause la liberté de prescription des médecins. »
Sur ce point au moins il était suivi par le député Gilles Lurton du groupe LR qui affirmait également :
« Il n’est pas question de remettre en cause la liberté des médecins ou de la pédopsychiatrie et de la psychanalyse. Je crois que le pédopsychiatre et le psychanalyste sont appelés à l’avant-poste de la prévention pour trouver des solutions aux difficultés auxquelles certains de nos concitoyens ont affaire ».
Quant au député socialiste, écologiste et républicain Gérard Sebaoun, il entamait une critique de fond :
« La lecture de votre proposition m’a fait l’effet d’une posture monolithique […]. La charte des médecins libéraux leur impose la liberté de prescription, votre résolution n’en a cure. Si je ne vous imagine pas en partisan d’une science offcielle dont on a connu en d’autres temps les ravages dans des régimes totalitaires, j’avoue que je ne comprends pas l’essence de cette résolution ».
« Vous exhibez des chiffres très contestables : 44% des personnes autistes seraient victimes de maltraitance, de mauvais traitements ou de carence en matière de soins, cette affirmation repose sur une enquête, effectuée par mail et portant sur 538 familles répondeuses elle n’a rien de scientifique sur le plan méthodologique, la question induisant tout ou partie de la réponse. Pire : malgré ce biais vous n’hésitez pas dans votre exposé des motifs à extrapoler en affirmant que 250 000 personnes en France seraient victimes de maltraitance. Je vous le dis sans précautions oratoires : j’y vois une manipulation dangereuse…. ».
Et il concluait par les propos suivants :
« Vous finissez en amalgamant psychanalyse et maltraitance et vous n’hésitez pas à appeler la condamnation pénale des professionnels mal pensants ou dans votre esprit, déviants […]. J’appelle tous mes collègues à la rejeter. »
Denys Robiliard, lui aussi du groupe socialiste, écologiste et républicain, se montrait encore plus précis dans sa critique :
« Votre proposition M. Fasquelle pose le problème de la déontologie du législateur »
« Le respect dû aux personnes autistes suppose d’abord l’exactitude or il n’y a pas d’exactitude dans ce que vous rapportez dans les considérant de votre proposition de résolution, d’abord sur les chiffres : entre le 1 pour cent (du pourcentage de la population souffrant d’autisme) que vous indiquez et le deux pour mille que l’on trouve en 2010 annoncé par la HAS, il y a quand même une très grande différence qui mériterait d’être expliquée. Il n’y a pas non plus d’exactitude s’agissant de l’efficacité des méthodes ABA pour reprendre la plus connue et la plus répandue. Non pas que je conteste dans son principe cette méthode, du moins à ce stade, simplement on ne peut pas lui faire la publicité que vous lui faites. Je pense à l’étude Shea qui date de 2004, et que vous connaissez, à l’étude Cruweiler qui date de 2012 et que vous connaissez et à l’étude spécifique sur les 28 centres expérimentaux, mis en place en 2010, qui malheureusement ne donnent pas les résultats que vous dites… Il s’agit de l’étude Cekoïa qui a été exécutée à la demande de la CNSA3 en 2015 et qui mériterait d’être citée4. »
« Vous écrivez dans votre projet de résolution que la France aurait été condamnée en 2015 par la Cour européenne, je vous avoue n’avoir trouvé aucun arrêt qui ait condamné la France en raison de pratiques en matière d’autisme ».
Le député reprend alors les critiques déjà formulées par ses collègues selon lesquelles le texte de D. Fasquelle détourne le sens même des recommandations de la HAS. Puis il en vient à l‘allégation de scientificité que celui-ci attribue aux méthodes comportementales :
« La méthode ABA et la méthode Denver – qui est d’ailleurs d’inspiration psychanalytique – ne bénéficient que du niveau B en matière de scientifcité ce qui n’est qu’une présomption de scientificité, alors que le grade A n’a été attribué à aucune méthode. »
Enfin il conclut en précisant ce que le député Gérard Sebaoun avait évoqué avant lui : « Votre méthode qui aboutirait à faire de la HAS l’autorité prescriptrice, qui obligerait les médecins à suivre vos recommandations en toute matière y compris quand ce sont des non-recommandations, c’est-à-dire quand elle ne se prononce pas – c’est le cas pour la psychanalyse « faute de preuve », dit-elle, et on pourrait discuter des raisons pour lesquelles il n’y a pas de preuve. Eh bien ! Votre proposition, c’est la définition d’une science officielle, c’est, me semble-t-il, du lyssenkisme et je crois que la pire des choses que nous puissions faire pour les personnes autistes serait de suivre les préconisations d’un Lyssenko5 au petit pied. »
Chantal Guittet, députée du groupe socialiste écologiste intervenait la dernière dans le débat en affirmant : « L’orientation de votre proposition, et celle de vos collègues est en totale contradiction avec les principes fondamentaux de notre législation sanitaire. Le libre choix constitue un des principes actuels de la pratique médicale. Si je comprends bien votre résolution vous souhaitez revenir sur cela : curieux pour des députés qui sont les chantres du libéralisme de proposer une résolution liberticide ! »
« Vous prétendez que la psychanalyse fait partie des méthodes non recommandées (par la HAS) alors que la Haute autorité a bien pris soin de la classer dans les méthodes non consensuelles.
Les efforts pour figer le savoir ne font jamais bon ménage avec le progrès. »
Grâce à ces interventions de parlementaires déterminés la résolution Fasquelle n’a pas été adoptée, c’est une victoire pour la psychanalyse. Une victoire momentanée sans doute car d’autres batailles sont à prévoir, mais qui donnera satisfaction aux 20 000 personnes qui ont signé la pétition « La Cause de l’autisme » lancée par l’École de la Cause freudienne et l’Institut psychanalytique de l’enfant. C’est aussi une satisfaction de constater que les députés ci-dessus évoqués, qui ont représenté leurs groupes dans ce débat parlementaire, aient su indiquer la place de la psychanalyse et distinguer aussi clairement scientisme et science véritable. Nos représentants et le monde politique si souvent critiqués aujourd’hui, en sortent grandis.
Pierre-Gilles Guéguen
Notes :
1 Consulter la fiche de synthèse n°46 sur le site de l’Assemblée Nationale : Sur la définition constitutionnelle des résolutions consulter la fiche de synthèse n°46 sur le site de l’Assemblée Nationale :
2 Consulter notamment Lacan Quotidien 568 et Lacan Quotidien 569 : « L’expérimentation institutionnelle d’ABA en France : une sévère désillusion » par J.-C. Maleval et M. Grollier
3 CNSA : Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (des personnes dépendantes).
4 Cf. Rapport cité et commenté par J.-C. Maleval et M. Grollier, « L’expérimentation institutionnelle d’ABA en France : une sévère désillusion », LQ 568 et LQ 569, 29 février & 5 mars 2016.
5 Lyssenko, un agronome russe, est à l’origine d’une théorie pseudo-scientifque « la génétique mitchourinienne », qui accède en 1948 sous le régime de Staline au rang de théorie officielle exclusive, opposée à une « science bourgeoise » fausse par essence. Depuis, le terme de lyssenkisme désigne par extension une science corrompue par l’idéologie où les faits sont dissimulés ou erronément interprétés. (Wikipédia)
On peut aussi lire :
- La pétition Prise en charge de l’autisme : oui au libre choix de la méthode de soin, non à l’interdiction de la psychanalyse,
- Pratiquer l’art-thérapie... en s’orientant de la psychanalyse, la lettre ouverte d’une art-thérapeute s’orientant à partir de la psychanalyse,
- C’est quoi l’autisme Monsieur le Député Fasquelle ?, la lettre ouverte d’une psychologue clinicienne co-fondatrice de l’association Geppetto,
- Prêter ma voix..., la lettre ouverte d’une psychologue clinicienne orientée par la psychanalyse,
- Au cœur de l’école inclusive, la lettre ouverte d’une psychologue en milieu scolaire.
- Spécial autisme, contre la résolution Fasquelle, l’Hebdo-Bog 90.
- L’autisme à l’Assemblée nationale, un article de Pierre-Gilles Guéguen paru dans Lacan Quotidien 617.