dimanche 29 juin 2014

CRÉATION du COMITÉ SCIENTIFIQUE et de RECHERCHE ARAT (CSRA)

Le samedi 31 mai 2014 a eu lieu un Bureau de l'association ARAT élargi à l'ensemble des Adhérents à la MVA de Béziers.
Il s'agissait de se rencontrer et d'élaborer la création du Comité Scientifique et de Recherche ARAT.


Présents :
Muriel Jammes, Geneviève Dindart, Véronique Esquerré, François Vidal, Bernadette Antonio, Caroline Germain, Bénédicte Carrière, Jean-Luc Sudres, Jean-Louis Aguilar.

Introduction du Président :
Remerciements aux adhérents présents.
                                                                                           
Pour les adhérents qui ne connaissent pas l’association, rappel du cadre de fonctionnement de l’ARAT.
Nous ne sommes pas une association engagée dans la mouvance du développement personnel, de la spiritualité, du coaching et du bien-être, méthodes qui sont aujourd’hui très à la mode et qui participent de la « société du spectacle » basée sur les loisirs et la consommation.
Nous souhaitons travailler à l’utilisation de l’art dans le soin, et ce que cela peut apporter au sujet en souffrance et aux malades.
En résumé, nous considérons l’art-thérapie comme une thérapie (comme son nom l’indique) et nous militons pour son utilisation dans le domaine des psychothérapies.

Listing des adhérents envoyé; à ce jour 97 adhérents pour l’année 2014.

I. Présentation du programme du prochain Colloque2 de l’ARAT en 2015 :

« Psychothérapies, Art thérapies …et bien d’autres choses !? »
Colloque de niveau national qui se tiendra sur 2 jours avec 16 intervenants, les 22-23 janvier 2015.

II. Présentation des groupes de recherche ARAT :

1- « Théorie et Clinique en art-thérapie et médiations thérapeutiques» :
Animé par Gaëlle Van Ham.
A ce jour constitué de 6 personnes, il devrait accueillir François Vidal en septembre ainsi que Caroline Germain. Prochaine réunion du collectif, le 6 juin à 15 heures chez notre hôte Bernadette Antonio à Saint Bauzille.
Réflexion actuelle autour des Médiations thérapeutiques.

2- « Co-vision et Analyse des Pratiques en art thérapie » :
Animé par Caroline Germain.
A ce jour constitué de 4 personnes.
Ce groupe est réservé aux art-thérapeutes en activité, évidemment membres de l’ARAT.

3- « Les facteurs « métamorphiques »opérants dans le travail analytique (thérapeutique et autre) prenant l’expérience créatrice comme champ de fermentation existentielle. »
Animé par Guy Lafargue, ce groupe pourrait voir le jour sous la forme d’une correspondance par courriels avec G. Lafargue. 

4- « Approche systémique et  création thérapeutique » :
Animé par  Adeline Gardinier-Salesse pour des échanges par courriels avec A. Gardinier.
(idem groupe 3)

Il y a un prérequis indispensable pour s’inscrire dans les groupes de Recherche ARAT : l’adhésion à l’ARAT est obligatoire.

Ces différents groupes de recherche constituent l’ossature de notre recherche associative et il m’a paru nécessaire de les réunir dans un Comité Scientifique et de Recherche ARAT (CSRA).

III.  Création du COMITÉ SCIENTIFIQUE et de RECHERCHE ARAT (CSRA) :

Création et composition du CSRA : Comité Scientifique et de Recherche ARAT.
À partir des groupes de recherches constitués, réunion une fois par an avec évidemment communications par mails, pour l’élaboration de projets de recherches mais aussi des projets de colloques, de conférences, de journées de pratiques …

-          Jean-Luc Sudres revient sur le mot de recherche en soulignant qu’il convient de le clarifier.
-          Groupes de recherche de praticiens, avec méthodologies, productions, pratico-théorique…
-          L’AT traditionnelle, l’AT moderne, l’AT confusionnante.
-          Restitutions de ce qui est produit.

Geneviève Dindart parle du mimétisme actuel, Jean-Luc Sudres parle de répétition et des gardiens du temple qui gardent. Il rappelle l’exigence des cas cliniques rapportés. Il rappelle qu’il n’existe pas de Formations à la Recherche. Il relate les diverses écoles d’Art-Thérapie et les divers courants, pour des parcours très diversifiés.
Fin de réunion avec un échange autour de la légitimation des parcours et cursus très variés.

Dans ce comité, il n’y a pas de chef, pas de président, pas de directeur.
Il fonctionne en autogestion, et la secrétaire G. Dindart et moi-même nous en serons les rapporteurs pour diffuser l’information et veiller à la communication.
Il se réunit une fois par an au cours du Bureau élargi à l’ensemble des adhérents.
Ensuite les échanges ont lieu par mails et par téléphone.
Les animateurs des groupes de recherche font partie automatiquement du CSRA.
Il est ouvert à tous les adhérents qui souhaitent y participer.
L’engagement y est d’un an comme l’adhésion à l’association.

Quel est le but du CSRA ? :
Permettre à tous les groupes de recherche de se rencontrer une fois par an.
Élaborer des propositions de travail, de réflexion et de recherche.

En aucun cas notre association n’a la prétention de concurrencer la recherche universitaire, il s’agit pour nous de se retrouver en toute convivialité et amitié pour faire vivre notre association.

Le prérequis est le même que pour les groupes de recherche ARAT, il faut obligatoirement être adhérent de l’association ARAT.

Listing des membres du CSRA pour l'année 2014 :
Gaëlle Van Ham
Caroline Germain
Véronique Esquerré
Bénédicte Carrière
Guy Lafargue
Adeline Gardinier-Salesse
Bernadette Antonio
Muriel Jammes
François Vidal
Rapporteurs : Geneviève Dindart et Jean-Louis Aguilar

Le verre de l’amitié vient clôturer notre sympathique réunion.

Rédacteurs du compte-rendu : Geneviève Dindart et Jean-Louis Aguilar.

Contact ARAT : asso.arat@gmail.com

vendredi 27 juin 2014

Il faut lutter contre la censure, mais que faire ? (partie 2)

L'érotisme dans ma peinture par Marie Morel.

L'ensemble de mon travail de peintre est comme une grande réflexion sur la vie.
Composé par des peintures sur des pensées, des émotions, des contemplations, des bonheurs, des amours, des chagrins, des révoltes, des engagements, des manifestes et de l’érotisme.

L’érotisme est un sujet important dans la vie.
Tout être vivant est envahi d’érotisme, les femmes et les hommes, mais aussi les animaux, les plantes…
Notre venue sur terre est reliée à un acte naturel d’amour.
Ce sujet est si vaste et passionnant, quelle diversité chez chacun de nous !
Toutes ces sensations, ces émotions, ces jeux, ces délires, ces bonheurs, ces souffrances,
cette liberté, cette intimité, ce don de soi, ces partages, etc.


Je peins tout cela, sans tabou, simplement.
Je dis, je raconte les choses que je vois, que je sens, je l’espère sans vulgarité, avec beaucoup de respect pour chaque sujet traité.
Des baisers, des amours, de l’accouplement, des fantasmes, de l’homosexualité, du bondage, des jeux érotiques, de la sexualité chez les personnes très âgées, de la sodomie, du S.M, etc.

Malheureusement je remarque que les œuvres érotiques sont de plus en plus censurées dans les lieux d’expositions.
Les organisateurs ont souvent peur : vigilance excessive de notre société ; on reviens à un monde où nos libertés sont de plus en plus encadrées.

Cette censure me peine beaucoup car elle ampute mes expositions d’un élément important de mon travail de peintre.

Si nous, les artistes, ne pouvons plus montrer d’œuvres érotiques, que deviendront les grands chants d’amour de notre époque ?
Circulent librement beaucoup d’images pornographiques qui ne donnent pas la même vision de l’amour et de l’érotisme que l’œuvre d’un artiste.

Pourquoi, dès qu’un sexe est peint sur une toile, certains crient-ils au scandale ?
 

Observer les gens et leur réactions devant une peinture permet en fait de les découvrir eux, de cerner leur caractère et leurs sensations.
La peinture, elle, ne change jamais, elle est là unique, toujours la même, mais chaque personne qui la regarde, la voit et la juge différemment.
La personne qui regarde l’œuvre a ses propres émotions, son propre ressenti, et c’est elle qui crée ce qu’elle voit en fonction de ce qu’elle est.

Je remarque que la personne qui est choqué devant l’œuvre érotique est en fait comme devant un miroir qui lui renvoi l’image de ce qu’elle est, avec ses blocages et sa pudibonderie propre.
Certaines personnes sont mal à l’aise devant la sexualité, pleines de tabous, sans liberté personnelle, cadrées dans des dogmes religieux ou familiaux, pleines de complexes et d’inhibitions, que sais-je encore…
Il faut une ouverture d’esprit pour entrer dans une peinture intime.


Bien sûr, on peux ne pas aimer une œuvre, cela est autre chose, et propre à chacun. Mais refuser, et dénoncer un travail uniquement parce qu’il parle d’érotisme est dramatique ; et qu’une société replonge à nouveau, petit à petit, dans cela, est dangereux pour nous tous. Il est encore temps je l’espère de réagir et de garder notre liberté d’expression.

Bien évidemment mon travail sur l’érotisme continuera dans l’atelier malgré toute censure, mais je remercie les commissaires d’expositions et les responsables d’institutions qui ont le courage actuellement de montrer ces peintures.

Marie MOREL.
Merci à La Compagnie d’Art singulier en Méditerranée.

Ci-joint, le tableau "L'Amour" (détails) de Marie Morel, qui vient d'être censuré par la mairie d'Aubagne.


Et puis pour finir, moi, à ma place de franc-tireur, de perpétuel recalé de la Kulture…
Pour la première fois cette année, j’avais décidé de m’extraire de ma tanière de la rue Chantecrit, et de m’exprimer avec la famille en tant qu’artiste, 
http://www.galeries-arts.com/fr/artiste/lafargue-guy/88dans le cadre de ce Festival d’Art Singulier d’Aubagne, au mois d’Août prochain.
Je m’y préparais soigneusement lorsque j’ai été informé de la censure exercée par la mairie d’Aubagne sur l’œuvre de ces deux artistes bien “CRU”: DEMIN et Marie MOREL. 

Déchiré par ce que peut représenter cette implosion du festival d’Aubagne pour Danielle JACQUI qui a démissionné de sa fonction de présidente de la Compagnie des Singuliers de Méditerranée, je ne peux pas passer outre à ce mépris de l’œuvre de Marie MOREL et de DEMIN, leur exclusion d’une manifestation artistique est pour moi insoutenable.

A cette sottise cruelle et intolérable des censeurs de la Mairie d’Aubagne, s’ajoute pour moi une relation casi-préhistorique  avec l’œuvre de Marie dont j’ai suivi l’évolution depuis ses premiers pas dans l’arène artistique, avec beaucoup de tendresse et une admiration inconditionnelle.
Elle est pour moi une créatrice et une artiste flamboyante majeure dans notre jungle.

Si vous faites suivre la pétition ci-dessous à signer en ligne à votre fichier personnel à laquelle je me joins,joignez y ma lettre qui apporte à l’appel à signatures un peu nu des éléments d’information et de réflexion.http://www.avaaz.org/fr/petition/Mairie_dAubagne_empecher_une_interdiction_dexposition_artistique/?tdbrshb

Je propose aux Singuliers de la famille
ici à Bordeaux dans les chais de Chantecrit
pour la rentrée prochaine
une exposition/manifeste que je titulerai  :


“LES  INAVOUABLES”
La création érotique des Singuliers

Bien à vous tous
Guy Lafargue
art-cru.com

Mis en ligne avec l'aimable autorisation de Guy Lafargue et le soutien de l'ARAT.

jeudi 26 juin 2014

LES OGRES À LA MAISON… LE FESTIVAL D'ART SINGULIER D'AUBAGNE CENSURÉ (partie 1)

Chers amis,

Depuis 13 ans, à l’initiative et autour de la figure charismatique de Danielle JACQUI la ville d’Aubagne accueille au mois d’Août un festival d’Art Singulier de très haute tenue. 

Danièle JACQUI, cette brocanteuse de l’Imaginaire, transhume d’un siècle à l’autre à Pont de l’Étoile 
dans son radeau phanthomme : “La maison de celle qui peint”.
http://www.passionprovence.org/archives/2012/12/20/25926081.htmlhttp://jacqui-residence-atn.blogspot.fr/

L’Art Singulier est le fruit luxuriant d’une brochette de créateurs fabuleux dont certains sont morts aujourd’hui, dont l’œuvre d’une puissance et d’une originalité saisissantes n’a jamais vraiment réussi à franchir la barrière culturelle de la réticence et du mépris.

C’est le petit père Raymond RAYNAUD qui a créé ce vocable d’Art singulier dans les années 80 soutenu par une Association extraordinaire “Les amis d’Ozenda” et par son animateur Jean Claude CAIRE qui s’en est fait le porte parole. 

Et puis ce géant de la sculpture, Raymond MORALES.
http://www.123musees.fr/Les-sculptures-metalliques-de-Raymond-Morales
Et puis Danielle JACQUI, justement : céramiste éboueuse, peintre hirsute, tagueuse céleste…
www.art-insolite.com/pageinsolites/insocellequipeint.htm
 www.organugamme.org <http://www.organugamme.org/


Et puis cette petite femme subversive, aiguë, tenace, tropicale : Marie MOREL
http://mariemorel.net/biographie/dont l’œuvre d’une intense expressivité témoigne d’une sincérité tellement délicate, d’une lucidité éblouissante.
Cette artiste singulière parmi les Singuliers a été censurée par la nouvelle commission culturelle de la ville d’Aubagne qui engage une campagne de redressement culturel.
Nouvelle municipalité issue des dernières élections municipales élue avec le soutien du Front National.
http://www.marsactu.fr/culture/la-mairie-daubagne-interdit-des-artistes-pornographiques-35140.html

Marie MOREL : Détail de l’œuvre interdite
Voici ce que ces gens-là appellent “pornographie”. 




Un autre artiste a également été censuré son œuvre splendide.
Le prétexte invoqué par les  édiles municipaux est qu’il s’agit d’œuvres “pornographiques” qui choqueraient les familles (“Travail, Familles, Patrie” de sinistre mémoire…)

Autant de bêtise et d’inculture !

Voici la lettre que Marie MOREL a adressé aux organisateurs :

Censure contre l'œuvre de Marie Morel par la municipalité d'Aubagne.
Ma peinture  "L'amour" viens d'être censuré par la municipalité d'Aubagne, qui refuse qu'elle soit dans l'exposition du 13 ième salon d'art singulier cet été 2014, ainsi que dans le catalogue. 
L'équipe de ce festival d'art singulier est très courageuse.
Ils ont décidé de ne pas faire cette manifestation (malgré la cinquantaine d'artistes qui doivent y exposer) si je suis censurée, ainsi qu'une autre artiste (nous sommes deux à avoir été censuré).
Ils vont rebondir, ailleurs, ils essayent de trouver un autre lieu pour l'automne 2014 ou en 2015.
C'est très courageux à eux. Il faut les soutenir. Ils sont formidables ! "
Compagnie d’Art singulier en Méditerranée.

Très souvent, les organisateurs d'expositions me demandent gentiment et avec courtoisie de ne pas mettre de tableaux érotiques, (ils aiment mes œuvres mais ne veulent pas avoir de problèmes, ils en sont désolés), c'est une censure douce, déjà terriblement triste et cela m'arrive pratiquement à chaque exposition depuis 5 ou 6 ans.
Mais pour Aubagne, les organisateurs de l'exposition du 13 ième salon d'art singulier veulent mes tableaux érotiques, ce qui est magnifique, et tout était prévu !
Et là, c'est la municipalité qui s'y oppose très durement, c'est encore plus violent !"

Mis en ligne avec l'aimable autorisation de Guy Lafargue et avec le soutien de l'ARAT.

dimanche 15 juin 2014

Les états d'agitation | partie 3

CRISES DE NERFS ET AUTRES DÉBORDEMENTS par Adeline Gardinier

Double langage dans le soin
Lorsqu'un patient hospitalisé n’est pas entendu dans la dimension réparatrice de ses conduites excessives, il risque de se sentir bafoué et freiné dans l’expression de son identité personnelle. La peur qu’il provoque chez les soignants, engendrée par la dimension non encore maîtrisée de son essai d’individuation, peut créer en lui une révolte interne très bruyante.

Trop souvent, de nouveaux débordements sont provoqués, de façon non intentionnelle, par les conduites des soignants. La forte répression et dépréciation de ces élans d’émancipation provoquent un grand stress entre soignant et soigné. Le malade se voit court-circuité brutalement dans un mouvement psychique coûteux. Il est critiqué là où il est admirable. Il ose enfin défier ses peurs d’autonomisation par le biais d’un cadre neutre et thérapeutique mais il est dissuadé et jugé sévèrement par ces mêmes personnes qui l’ont pourtant encouragé auparavant à se lancer dans ce défi méritant ! Le soignant a engagé son patient dans un double lien : différencie-toi sans te différencier…


Zoé et le sentiment d’injustice

Zoé, 49 ans, a été hospitalisée à de nombreuses reprises pour recrudescence d’angoisses et d’idées noires. Depuis plus de trente ans, elle entretient une sorte de relation sadomasochiste avec son ex-conjoint, qui l’enferme dans une position indifférenciée très dangereuse. Lors de ses séjours, elle exprime son incapacité à énoncer ses frustrations et ses colères. Elle craint des conséquences catastrophiques si elle ose parler de son ressenti. Zoé a expérimenté, dans cette union conjugale pathogène, les résonances dangereuses de l’expression de soi. Ainsi, lorsque qu’elle commence à s’affirmer, au fil d’hospitalisations renarcissisantes, le caractère encore grossier de la démarche attire les plus vives réactions de l’équipe. Zoé est dans des provocations, des refus, des comportements volages, des brusqueries verbales, des sourires ironiques et des oppositions passives irritantes. Ces excès traduisent ses propres résistances à changer. Indirectement, elle teste également le cadre thérapeutique. Pourra-t-il lui démontrer qu’elle est vraiment autorisée à moduler ses rôles et fonctions dans ses divers systèmes d’appartenance ?

Lors d’un entretien avec le psychiatre, Zoé fait une crise de nerfs impressionnante. De lourds sanglots et des raclements aigus l’empêchent de parler. À distance, cette réaction s’explique. Le médecin a demandé à ce que Zoé souffle dans un éthylotest à chaque retour de ses sorties. Cette prescription a été posée suite à de nombreuses irritations des soignants face à ses comportements croissants de désinvolture et d’agressivité. Zoé a confié que cette procédure lui rappelait étrangement l’injustice, l’insécurité et la trahison vécues dans sa relation de couple. Son corps bruyant mimait la détresse à être entravée dans une légitimité d’expression. Son état d’agitation traduisait l’avortement d’un mouvement laborieux d’autonomisation. La crise était née d’une tension à laquelle s’était surajoutée celle provoquée par l’autorité illégitime du médecin. Sa dynamique évolutive avait été court-circuitée brutalement.

La contenance des pulsions hostiles ne doit ainsi pas être confondue avec leur répression. Cet amalgame conduit le patient dans conflits internes qui découlent des propres dysfonctionnements des soignants. Par ailleurs, l’ancien compagnon de Zoé était, de plus, gendarme ! L’équipe a reproduit, involontairement, le message sadique du mari agresseur : le non droit de choisir sa place dans un système et le devoir de répondre à des ordres groupaux arbitraires.


Crise d’adolescence ?
La période charnière entre l’enfance et l’adolescence est bien sûr un temps de remaniement essentiel des rôles et des fonctions dans le système premier. Il n’est donc pas rare de constater des troubles comportementaux impressionnants chez des jeunes dont le groupe d’appartenance est rigidifié dans des codes fonctionnels précis. La tentative de différenciation naturelle de l’être en devenir est alors source de nombreux états chaotiques.

Léa dans le flou thérapeutique

À 17 ans, Léa est empêtrée dans un fonctionnement limite depuis plus de deux ans et elle entame un travail psychothérapeutique. Les automutilations, les passages à l’acte auto et hétéro agressifs sont réguliers. Ils s’accentuent et l’adolescente se réfugie de plus en plus dans un fonctionnement psychotique. Lors des hospitalisations, des crises anxieuses et agressives se déclarent brutalement. Cependant, si on se penche sur leur origine, les indices d’une entrave thérapeutique au processus d’individuation apparaissent systématiquement. Léa revit avec les soignants la confusion du discours contradictoire de sa famille : autonomise-toi sans t’autonomiser ! D’un côté, l’équipe lui tient un discours rassurant de contenance et d’encouragement à l’émancipation.

D’un autre coté, les actes cliniques traduisent une dynamique contraire. L’insuffisante prise en compte du contexte familial, l’attitude défensive infantilisante des soignants, le renforcement involontaire du discours enfermant des parents par l’équipe donnent ainsi lieu à de nombreuses situations paradoxales. Léa est responsabilisée dans ses décisions personnelles mais dans un même mouvement, des consignes médicales rigides lui sont administrées. Elle est régulièrement assurée du soutien de l’équipe dans sa démarche d’émancipation mais brutalement un ordre de sortie définitif par le médecin est posé sans justification et sans la consulter. Léa réagit à ce flou thérapeutique par l’expression d’une tension intenable et d’une décharge dans des passages à l’acte. Que d’énergies frustrées à être systématiquement rattrapée dans ses élans coûteux d’avancement !

L’adolescence est ainsi une des étapes où un besoin signifiant d’émancipation peut faire éclater, dans des attitudes théâtrales, un modèle de fonctionnement systémique enkysté. Toutefois d’autres événements accidentels ou du cycle de la vie sont susceptibles de venir dénoncer et débrider un processus d’individuation insuffisant. Le comportement désorganisé signe alors la frustration sévère d’une personne à être compromise, par les siens ou le monde soignant, dans un élan personnel méritant.

En conclusion

Dans certains contextes, des débordements psychomoteurs, des passages à l’acte paraissent ainsi liés à un processus interne épuisant et positif, frustré dans son ébauche. La perspective systémique permet d’éclairer des réactions secondaires aux traitements, des décompensations bruyantes. En effet, l’écho paralysant de la chimie sur l’émergence d’un processus psychique débridé parasite le mouvement thérapeutique en cours. L’antalgie médicamenteuse frustre une élaboration structurante et délicate enfin mise en marche. La détente organique est en effet redoutée à un moment de haute vigilance psychique !

Entre relâchement important du corps et pression extrême de l’esprit, l’agitation sollicite une décharge de tension née de ces deux dynamiques opposées. Dans cette perspective, les états d’excitation sont un bon indicateur du problème et des solutions à mettre en œuvre. Ces symptômes pointent non pas les incohérences du sujet mais plutôt celles des systèmes extérieurs. Paradoxalement, ces comportements désadaptés mettent en relief une inversion des rôles où le patient est un soignant qui s’ignore et est ignoré par ses pairs dans sa fonction auto-curative. Dans ses débordements, il semble nous crier, de manière désespérée, une vérité thérapeutique. Ne nous transmet-il pas, avec frustration, un paradoxe contextuel : la réalité déstructurante n’est pas la mienne mais celle d’autrui. Le monde extérieur lui renvoie des messages contradictoires dans une confusion à saisir les dynamiques systémiques l’environnant ! La personne agitée est alors victime de sa trop grande lucidité retrouvée et du trop grand aveuglement de ses systèmes d’appartenance.

Mise en ligne avec l'aimable autorisation d' Adeline Gardinier-Salesse

dimanche 8 juin 2014

Les états d'agitation | partie 2

CRISES DE NERFS ET AUTRES DÉBORDEMENTS
par Adeline GARDINIER
Cet article a été rédigé pour la revue Santé Mentale d’Avril 2014.

La rigidité du contexte

Ainsi, l’intensité du dérapage psychomoteur serait associée au degré de rigidité des fonctions et des rôles dont la personne tente de se désaliéner. Mais chaque tentative pour remanier les places rigides au sein du groupe créerait de violentes résistances internes chez le sujet, accentuées par l’opposition des proches. Le principe homéostasique de tout système rigide, orienté vers le maintien invariable des codes de fonctionnement, expliquerait ainsi la consistance du symptôme régulateur.

L’ampleur de l’excitation traduirait la virulence des forces d’inertie pour entraver cette réorganisation fonctionnelle et signerait, dans un mouvement opposé, l’incapacité à continuer à adhérer aux repères systémiques d’antan. Dans cette logique, certains passages à l’acte surviendraient dans un moment de révolte et de désir d’individuation signifiant chez une personne.


Christophe et le mythe de la perfection

La vie de Christophe, 67 ans, a été traversée d’épisodes dépressifs chroniques. Sa pathologie dévoile une incapacité à moduler, avec souplesse, ses choix dans ses systèmes d’appartenance. Il s’est rigidifié dans des croyances inébranlables dictant ses conduites et ne tenant aucun compte du contexte. Au fil de son parcours, ses défenses ne parviennent plus à pallier les conséquences désastreuses d’adaptations non faites. Christophe provient d’une famille obnubilée par un « mythe de perfection », qui a contrôlé, dans sa prégnance, tous les actes inadaptés de son histoire. Christophe a ainsi épousé une femme qui partage ses représentations figées. Mais une grave crise personnelle l’oblige à réorganiser ses relations à son environnement. Il apprend à construire des images légitimes, positives, acceptées de la nature défaillante de l’homme. Il ne fuit plus ses insuffisances ni celles d’autrui et les reconnaît.

Cette nouvelle dynamique le soumet non seulement à ses résistances internes mais aussi à celles de son système embourbé dans les mêmes codes d’évitement et de contrôle. Lors d’un repas familial, il souligne l’obligation de paraître et le manque de spontanéité de leurs interactions. Les réactions stigmatisantes de son entourage le font alors décompenser. Son incapacité à bousculer dans l’urgence les règles systémiques oppressantes réveille un état de détresse et d’impatience intenables. Dans un discours logorrhéique, il montre sa hâte et son irritabilité à vouloir transformer son système. De même, ses propres résistances internes au changement se greffent dans la manifestation d’une agressivité, d’une errance et d’une sorte de coup de folie. Son précipité retrait physique et psychique marque une fuite déstructurée non pas de sa famille mais des valeurs étouffantes de celle-ci.

L’état d’agitation, dans son versant excessif et incontrôlé, révèle un apprentissage sous-jacent difficile. En effet, tout symptôme débordant met en relief la tentative de démantèlement de repères rigides pour de nouvelles données. Cette intégration complexe ne peut alors s’opérer, dans un premier temps, que de manière grossière. Plus l’intériorisation du processus est difficile, plus la personne manifeste des résistances par des conduites disproportionnées. Ainsi, les troubles du comportement observés sont l’expression d’une amorce de différenciation non encore contrôlée. Les bases rudimentaires de l’autonomisation psychique se traduisent alors par un excès d’égocentrisme et d’incivilité. Dans cette perspective, l’état d’agitation est alors une libération ponctuelle d’une identité trop longtemps tue par sacrifice groupal.

La « paranoïa » de François
Ni paranoïaque, ni antisocial, François, 52 ans, a pourtant eu un comportement hétéro-agressif vis-à-vis de sa compagne et la fille de cette dernière. Cet homme mène tout d’abord pendant de longues années une existence tranquille et sans problématique relationnelle particulière. Cependant, la rencontre avec sa deuxième compagne l’engage dans des conduites incontrôlables. Après 10 ans d’une union conjugale apparemment sereine, François fustige sa compagne et sa belle-fille des pires insultes et les menace d’un couteau. Cette décompensation soudaine a lieu alors que sa compagne et sa belle fille sont allées ensemble au restaurant.

À l’hôpital, François est rapidement étiqueté « personnalité paranoïaque et dépendante ». Pourtant, l’analyse du système familial montre un mouvement furtif d’émancipation de codes systémiques intenables. Depuis son union, François doit en effet respecter une fonction bien établie dans la famille et en particulier accepter la relation symbiotique entre sa compagne et sa belle-fille, ce qui implique le renoncement à un espace d’intimité conjugale. Son attachement trop fusionnel, dans ce lien amoureux, l’a conduit à taire ses choix personnels pour se soumettre à des règles maritales contraignantes.

Par ses actes inadaptés, François a finalement exprimé la rébellion saine d’un homme qui aspire à se désengager d’une position trop figée et dépersonnalisante. Ce soir-là, il a été contraint de dîner seul tandis que la mère, la fille et le père de celle-ci étaient ensemble au restaurant. À leur retour, François est rentré dans une fureur hystérique et dangereuse. Cette affirmation tardive, nouvelle et culpabilisée a ainsi pris les apparats du drame illégitime car elle s’introduisait comme nouvelle donnée dérangeante dans un paysage établi. Le caractère agressif du mouvement d’affranchissement a alors dénoncé sa trop longue retenue et sa nature encore non assumée dans l’excès de son expression.

Un sujet qui montre des réactions disproportionnées met ainsi en évidence son manque de différenciation par rapport à son système premier. Il exprime alors, excessivement, des choix individuels trop gravement censurés dans le système originaire. Par exemple, une personne hyper responsabilisée dans son système primaire régresse fortement dans les divers espaces où elle peut s’exprimer plus librement. Le non-reconnu devient exigeant et capricieux, le carencé affectif extrêmement étouffant. Le trop passif se fait persécuteur.

La suite la semaine prochaine (partie 3)...



Pour relire la première partie de cet article :
http://adeline-gardinier.blogspot.fr/2014/05/les-etats-dagitation-partie-1.html

Mis en ligne avec l'aimable autorisation d'Adeline Gardinier-Salesse

lundi 2 juin 2014

Les états d'agitation | partie 1

CRISES DE NERFS ET AUTRES DÉBORDEMENTS
par Adeline GARDINIER
Cet article a été rédigé pour la revue Santé Mentale d’Avril 2014.

L’approche systémique peut permettre de déchiffrer les symptômes d’agitation au-delà de leur aspect bruyant et incontrôlé. Dans cette perspective, ils apparaissent alors bien davantage comme des élans d’individuation contrariés.


Dans une société toujours à la recherche de plus de contrôle et de retenue, quelle place accorder aux états d’agitation ? Quelle que soit la pathologie sous-jacente, ces comportements « inadaptés » se caractérisent par une désinhibition excessive des attitudes, des pensées et du discours. Au-delà de la dimension insécurisante du trouble, la peur n’est pas le seul facteur paralysant l’accès au sens profond des actes. L’époque étouffe les phénomènes bruyants et prône le maintien du calme et de l’ordre. Difficile, dans ce contexte, de proposer une approche pertinente de ces états, qui permettrait d’entrevoir le caractère structurant de la décharge d’excitation. La lecture systémique offre ce regard constructif donnant sens au symptôme et à ses conditions de démantèlement. Elle se centre sur la dynamique relationnelle dysfonctionnelle à l’origine du déséquilibre individuel.

Représentation systémique du trouble

Depuis le début de mon exercice, je constate combien les mouvements régressifs se révèlent souvent précieux. Chaque situation communicationnelle « débordante » met en effet en relief son intention constructrice. Mais une analyse insuffisante du contexte entrave souvent la reconnaissance de la légitimité et du potentiel d’évolution de l’accès « belliqueux ». La pensée systémique offre alors une vision utile et opérante du temps de crise. Elle fait émerger le processus positif qui tente de se dégager d’un mouvement psychomoteur « fracassant ».

L’état d’agitation correspondrait ainsi à la tentative maladroite et fébrile d’un apprenti qui voudrait s’extraire de repères enkystés et inadéquats. Les manifestations de cet état seraient en quelque sorte à la hauteur de la rigidité du contexte pathogène.

L’individu dépend de groupes d’appartenances qui l’influencent, de systèmes qui le définissent dans des rôles et des fonctions particulières. Plus un système est fermé ou traumatisé, moins il s’adapte aux réorganisations internes nécessaires. Lorsque le collectif étouffe les choix identitaires, la pression psychique ne tarde pas à s’exprimer. Le stress provoque alors des actes bruyants, lieux de décharge et d’expression d’une nécessité de changement. Selon la pensée systémique, le symptôme est à la fois appel et résistance au remaniement des codes relationnels d’un individu. La pathologie signe le manque de souplesse du cadre interactionnel dans lequel évolue le sujet, qui ne parvient pas à rester en adhésion avec son système sans sacrifier son individualité. Les sollicitations auto-conservatrices de son groupe d’appartenance et son manque d’affirmation personnelle l’entraînent dans les méandres d’une inadaptation croissante.

L’état d’agitation serait alors l’expression de ce besoin impérieux, de cette tentative d’affranchissement. Dans cette perspective, les angoisses, les troubles psychiques, les troubles du comportement ou les somatisations seraient également les manifestations de cette bataille interne entre les forces d’inertie et celles de transformation vitales. L’aspect théâtral de « la crise de nerf » ou encore du « coup de folie » traduirait, de manière plus manifeste et concentré dans le temps, ce mouvement de décharge d’une tension optimale. La libération explosive d’une pression contextuelle serait alors une phase salvatrice et incontournable.

Les patients expriment souvent cette facette positive de leur état d’agitation démesuré. Mais, dans de nombreuses équipes soignantes, le diagnostic de « crise névrotique ou psychotique » est trop souvent surinvesti. Il souligne alors des déficits et n’apporte aucune information pertinente. En revanche, l’indication systémique d’une décompensation engendrée par un élan de transformation nécessaire, impliqué et coûteux pour le sujet, ouvre le champ des possibles. Le symptôme hystérisé, fou ou incohérent du patient n’est plus ainsi classifié selon ses dimensions manquantes.

La référence à la forme d’agitation intervient très peu dans la manière de réfléchir une prise en charge thérapeutique pertinente. Par contre, la présence et l’intensité du trouble donnent les pistes principales d’une histoire «d’indifférenciation » à investir afin d’aider l’individu. Les « habits expressifs » de la pathologie peuvent alors révéler, dans un second temps, leur singularité sous le primat de ce récit contextuel signifiant.

Quand Sandra s’écroule
Les chutes répétées et intentionnelles de Sandra, 42 ans, hospitalisée pour dépression majeure, engendrent un sentiment d’impuissance grandissant dans l’équipe. Les soignants identifient les symptômes de la patiente dans les registres du manque et de l’infantilisation. En les abordant sous l’angle relationnel, l’énergie positive associée à ce qui peut être compris comme une forme de rébellion libère chacun d’une paralysie d’empathie et de soins. Recadré dans son sens systémique, le comportement abusif de Sandra met en relief sa colère et sa saturation psychique face à une famille irrespectueuse de ses choix. En effet, les comportements théâtraux de cette femme font suite à la disqualification, par le grand-père, de son autorité légitime sur son fils. Sandra a osé poser des limites plus solides dans sa relation à son enfant et trouvé le courage de mettre à la porte son fils chéri irresponsable et insultant.

Ce processus laborieux d’affirmation a été éprouvant mais les efforts de Sandra n’ont pas été reconnus par sa famille, au contraire. Ce nouveau positionnement, si fragilisant pour elle, a ainsi été invalidé par un système familial conservateur. L’acte d’écroulement hystérisé marque ainsi de profonds remaniements internes chez la jeune femme. Il indique son impossibilité d’adhérer à des schémas relationnels antérieurs dépersonnalisants. Dans un mouvement synchronique et paradoxal, ses chutes montrent aussi une tendance antagoniste à vouloir se réfugier dans les anciens codes relationnels familiaux. En effet, le galvaudage de son élan d’affirmation en tant que mère s’incarne dramatiquement dans ce laisser-tomber incohérent.

Cette forme d’expression désorganisée renvoie aussi à un événement traumatique de l’histoire systémique. Un oncle s’est pendu dans les escaliers. Le trouble souligne ainsi une zone sensible d’indifférenciation à travailler. Toutefois, seule l’investigation exhaustive de l’histoire systémique permet d’extraire ces données essentielles. L’analyse sémiologique ne trouve sa pertinence que si elle est mise en lien avec l’histoire singulière et contextuelle du sujet. Celle-ci révèle la dimension symbolique du symptôme.

La suite la semaine prochaine (partie 2)...



Article mis en ligne avec l'aimable autorisation d'Adeline Gardinier
Source : adeline-gardinier.blogspot.com