mardi 31 janvier 2017

Atelier de gifs animés

Gif : Francine Lacasse

ATELIER DE CRÉATION DE GIFS ANIMÉS 
Invitation à participer 

Québec, le 23 janvier 2017 — Devant le succès remporté par l’Atelier de création de gifs animés de 2016, Folie/Culture est heureuse de l’offrir à nouveau et vous invite à participer à sa deuxième édition. L’activité, réservée en priorité aux personnes ayant ou ayant eu un problème de santé mentale, sera présentée en collaboration avec le centre d’artistes La Chambre Blanche et sera animée par l’artiste Ulysse Ruel.

Qu’est-ce qu’un gif animé ?

Le gif animé est un format d'image couramment utilisé sur Internet. Il s’agit d’une courte animation présentée en boucle, qui peut faire penser à un film miniature ou à un dessin en mouvement. C'est aussi une esthétique, une culture du Web caractérisée par une façon de créer rapide, simple et brute. C'est l'expression d'une folie soudaine, impulsive et explosive ! Un gif animé est donc une petite œuvre d'art qui se collectionne, qui prend de la valeur et qui se propage sur le Web à force d’être partagée.

Dans une formule dynamique, Folie/Culture propose un atelier où chaque participant apprendra d’abord les techniques de base en création de gifs animés, pour être ensuite en mesure de se lancer dans la fabrication de sa propre collection. L’animateur entend mettre l’accent sur un travail d’expérimentation réalisé à partir d'images, de photographies, de dessins et même de sculptures en pâte à modeler.

Artiste et geek, Ulysse Ruel s’amuse grâce à la musique, réfléchit grâce aux arts visuels et a été corrompu en bas âge par un ordinateur. Il travaille depuis dans le domaine du Web et du numérique en concentrant ses activités dans le milieu culturel. Il aime faire du bruit plus ou moins normé avec sa voix et ses harmonicas. Avec ce qui lui reste de temps, il mène une pratique en arts plus vivants que morts s’intéressant à la notion de transmission, de rapport au temps et aux rituels.

Dates : les jeudis soirs 16 et 23 février, et 2, 9, 16 et 23 mars 2017
Horaire : de 17 h à 21 h
Exigences : connaître le fonctionnement de base d’un ordinateur
Préalable : être membre de Folie/Culture (entre 5 et 20 $ selon vos moyens)
Coût : c’est gratuit !!!
Matériel : fourni
Nombre de participants : environ 8 personnes
Date limite d’inscription : 10 février 2017

Pour information : (418) 649-0999 ou programmation@folieculture.org

mercredi 18 janvier 2017

François Tosquelles dans Le travail thérapeutique en psychiatrie, 1967, Rééd. Erès, 2009 Essence et place du travail thérapeutique


Citations 

« L'homme est d'autant plus homme qu'il est chaque fois moins un être de la nature, pour devenir par contre et dialectiquement, le produit de son propre artifice. En vérité, il va sans dire: le produit des artifices que les autres hommes ont fait auparavant pour lui; plus encore le produit des artifices que les autres hommes ont faits avec lui, font avec lui ou feront avec lui. On doit à cette vie artificielle qui constitue un monde ce qu'on appelle parfois l'être culturel. » (Le travail thérapeutique en psychiatrie, p. 37-38)

« Soyons sérieux et posons la problématique de l'humanisation sur le terrain concret où elle se trouve et s'épanouit avec son propre calvaire: le travail (l'organisation sociale du travail plutôt que l'exercice musculaire; la division du travail et les échanges de produits auxquels il donne lieu) et le langage, semblent constituer les mécanismes propres à cette élaboration de l'homme par lui-même. » (Ibid. p. 40)

« Il s'agit de faire travailler les malades et le personnel soignant pour soigner l'institution » (Ibid. p. 79)

I - Présentation de l'auteur 

Né le 22 août 1912 à Reus, François Tosquelles est un psychiatre catalan réfugié de la Révolution espagnole, d'abord au camp de concentration de Septfonds où il ouvre un service psychiatrique, puis à l'hôpital Saint-Alban en 1940 où il deviendra le principal artisan d'une pratique de « désaliénation» dont s'inspireront l'aventure de la psychothérapie institutionnelle et la politique du secteur. 

Dès son plus jeune âge et dans les tumultes de la Révolution qui grondait, il avait baigné dans le milieu de la psychiatrie avec son oncle, médecin généraliste passionné par les maladies mentales et la psychanalyse. 

En 1927, âgé de 15 ans, il part faire ses études de médecine à Barcelone, ville rouge à la richesse intellectuelle internationale qui accueillait, dans les années 1920-1930, divers intellectuels d'Europe centrale, dont de nombreux analystes et psychiatres en lutte contre le fascisme. 

Mais outre ces activités sur Barcelone, il travaillait à l'institut Pere Mata de Reus dirigé par son Maître Mira avec qui il partageait la même expérience politique du PC jusqu'à la fondation du POUM (Parti Ouvrier d'Unification Marxiste) en 1935. En tant que tel, il fut responsable de la psychiatrie sur le front d'Aragon puis de l'hôpital psychiatrique de Huesca. La Révolution ouvrière et paysanne fut écrasée par le gouvernement républicain aux mains des staliniens durant les années 37-38, et il ne resta plus à Franco qu'à gagner la guerre fin 1939 et à F. Tosquelles de fuir en France. 

L'image de F. Tosquelles traversant les Pyrénées un livre dans chaque main -l'une avec la thèse de Lacan (dont l'imprimerie du Club de Saint Alban fera la première publication), l'autre avec le livre d'Hermann Simon intitulé Pour une thérapeutique plus active à l'hôpital psychiatrique prônant la responsabilisation des malades - est une belle métaphore de l'aventure de la psychothérapie institutionnelle comme psychiatrie fondée sur le transfert au sens de Freud et Lacan, indissociable d'une entreprise de désaliénation sociale des lieux de soins par l'analyse institutionnelle. 

L'entreprise se fondera effectivement sur une mise au travail de tous, agissant sur l'économique institutionnel par l'existence d'activités et de lieux de responsabilités, de lieux de paroles entre les soignants et avec les soignés.

II - Présentation et résumé du texte

Le travail thérapeutique en psychiatrie paru en 1967 puis réédité en 2009 aux éditions Erès, part du principe que la psychiatrie, à la différence de toute autre spécialité médicale, touche une dimension « totalisante» de l'homme, anthropologique. À la différence des animaux, l'homme crée un monde dans lequel il devient homme par le travail et le langage. 

En insistant sur l'opposition entre la notion de « milieu » et celle de monde créé par l'homme, F. Tosquelles engage une réflexion critique sur l'ergothérapie et renvoie la notion de travail en psychiatrie du côté d'une médecine-thérapie. 

Un des chapitres principaux qui traite de « L'essence et la place du travail en psychiatrie » en appelle à surmonter les insuffisances des concepts de l'ergothérapie en en dessinant les prémisses de la notion de « Collectif» dans la vie institutionnelle. 

Du fait que la psychiatrie vise les troubles responsables des échecs du processus d'humanisation (troubles du dire, troubles des activités avec les autres), le travail en est le meilleur medium pour « faciliter l'humanisation » (p. 37). 

L'entreprise psychiatrique, révisant la notion de travail, avance sur deux dimensions: celle du langage (communément appelé la psychothérapie) et celle des activités, non au sens d'un travail occupationnel, ni au sens d'exécution d'activité rentable, mais au sens des efforts à faire et à dire pour que se soignent le malade, les personnes et les lieux qu'ils habitent. 

La position clinique de l'auteur permet de différencier le métier d'infirmier en médecine ou en chirurgie avec celui de l'infirmier psychiatrique. 

Dans le premier cas, l'infirmier doit suivre scrupuleusement le protocole prescrit par le médecin, le patient acceptant passivement le traitement, alors qu'en psychiatrie, réduire à la passivité les patients ne peut en aucun cas être thérapeutique. 

L'infirmier au contraire fait face aux troubles des activités des patients en faisant avec eux pour les accompagner dans leur reconstruction. 

Tosquelles insiste sur la nécessité d'une polyvalence du personnel soignant, sur l'indispensable lutte contre les cloisonnements bureaucratiques qui minéralisent les statuts et réduisent l'infirmier à un exécutant de prescriptions médicales. 
Au travers d'une l'activité partagée se met alors en place une fine dialectique entre l'espace de psychothérapie et les paroles que l'infirmier prend soin d'accueillir, au plus près de celle d'un psychothérapeute, une neutralité bienveillante qui évite morale comme compassion fusionnelle. 

Une telle entreprise clinique demande des lieux de parole entre soignants où peuvent se dire les « gaffes » ou les « doutes » (p. 50) que chacun pense avoir faites dans cette écoute active, sans tomber sous le coup du jugement hiérarchique ou dans la rivalité moïque. 

La qualité des soins institutionnels dépendra de la qualité des échanges cliniques (médecins et infirmiers...) tout ceci dans l'organisation d'une polyphonie de tâches et de responsabilités offerte à chacun. 


III - Concepts fondamentaux 

1 - Vers une anthropologie psychiatrique

La posture clinique de F. Tosquelles d'envisager la psychiatrie comme une anthropologie convoque toutes les dimensions qui façonnent l'homme: la biologie, la psychologie, l'histoire et le social. 

Si l'homme « convertit le milieu 'naturel' en un 'monde'. Il réussit ainsi à 'humaniser la nature' et à humaniser du même coup sa vie animale, sa vie 'naturelle'. Son destin et le processus d'humanisation qui lui est propre, ne se pose jamais sous le dilemme de s'adapter ou périr. 

Il construit avec les autres hommes un monde dans lequel il se fera homme. » En ce sens, la maladie mentale signe un échec ou une régression du processus d'humanisation que doit traverser chaque « petit d'homme» en s'inscrivant dans le langage et les activités avec d'autres. Ici, activité et humanisation vont de pair comme véritable travail de culture. 

En recentrant le travail sur sa vertu thérapeutique, Tosquelles fait un éloge de l'outil qui relie l'homme à l'histoire, en terme de création: comme on devient homme, on devient thérapeute. 

2- Vers la notion de la double aliénation (sociale/psychique)

La particularité de F. Tosquelles d'avoir traversé ce moment charnière de l'histoire occidentale, à savoir la Révolution espagnole, ce moment de prise de parole des sans grades, fait considérer avec plus d'acuité la nécessité d'un travail sur l'aliénation sociale institutionnelle comme fondement de la médecine hippocratique du « ne pas nuire» : pour soigner les malades, il faut soigner l'hôpital. 

Si les psychotiques ont déjà fort à faire avec leur appareil psychique, le redoublement de l'aliénation dans une hiérarchie psychiatrique « normopathique » où sont fétichisés et gelés statuts, rôles et fonctions, ne peut qu'encourager soignants et soignés à se résigner à une vie quotidienne aliénée. 

On en arrive, dans ce cas-là d'aliénation générale, à considérer que les schizophrènes, malades chroniques par excellence, sont imperméables au transfert, alors que c'est leur sédimentation, dans les salles aux pas perdus ou sur les trottoirs des grandes villes, qui est la triste scène de leur socialisation impossible. 

3- Club thérapeutique et comité hospitalier

L'outil fondamental innové par Tosquelles est celui de l'élaboration du Club Thérapeutique qui vient répondre à l'impasse d'une psychiatrie incapable de travailler la responsabilité. 

Si « l'ergothérapie » classique reproduisait terme à terme les rapports paternalistes en cascade, l'apport de la fonction Club, en se détournant de la sacralité du statut, dégage des perspectives possibles de responsabilisations mutuelles. 

La circulaire de 1958 rédigée par F. Tosquelles, toujours en vigueur, permet, par l'entremise d'un Comité hospitalier, qu'une association gérée paritairement par les malades et leurs soignants prenne en charge la vie quotidienne d'un secteur psychiatrique. 

Le Club peut non seulement gérer le produit de son travail, comme les recettes de la cafétéria, mais également prendre en charge les régies ergothérapie, sorties, caisse de solidarité, etc... 

IV - Filiation et enjeux 

Si l'idée d'une politique de secteur psychiatrique prend naissance au début des années cinquante, on doit reconnaitre à Saint-Alban d'avoir été exemplaire d'une ouverture d'un lieu d'enfermement psychiatrique sur la cité. 

En pleine Seconde Guerre Mondiale, époque de ségrégations de toutes sortes, entre le génocide des Juifs et des Tziganes, l'extermination programmée et méthodique de 70 000 malades mentaux en Allemagne, mais également la famine et la mort de 40 000 d'entre eux dans les asiles français, l'hôpital de Saint Alban fit exception. 

Un premier mouvement de psychothérapie institutionnelle se constitue avec les rencontres organisées par Henry Ey et celles du groupe de Sèvres avec Daumézon, qui, avec Koeklin, reçoit la paternité du terme psychothérapie institutionnelle. Mais en 1959, l'éclatement du groupe de Sèvre autour de la place des infirmiers dans la psychothérapie signe la fin d'une époque. 

Le deuxième mouvement de la psychothérapie institutionnelle se constitue alors autour de F. Tosquelles et Jean Oury dans les rencontres des GTPSY entre 1960 et 1969. Les publications mettent au travail l'apport théorique de Lacan dans le traitement de la psychose et de l'institution pour rendre compte des expériences cliniques. Des clubs thérapeutiques ou ce qui en fait fonction chez les enfants, essayent d'organiser l'ossature institutionnelle des échanges. Ainsi marchent les deux jambes de la psychothérapie institutionnelle. 

Aujourd'hui, alors que la fin du secteur psychiatrique semble programmée avec l'instauration des pôles comme en médecine somatique, alors que la psychiatrie est appelée à s'appuyer sur un plateau technique et à cet effet a été rapprochée de l'hôpital général, rappeler l'importance du travail dans le processus d'humanisation des personnes, reconnues malades ou non, est un devoir de mémoire indispensable. 

Quand le démantèlement du secteur psychiatrique se fait également au nom d'une opposition bureaucratique entre lieux de soins et lieu de vie, il semble fondamental de rappeler qu'en psychiatrie, la vie c'est le soin, et le soin c'est la vie, c'est permettre aux patients de reprendre corps dans la dialectique des relations humaines. 

L'accentuation de la division du travail a lentement fétichisé l'ergothérapie en tant que technique occupationnelle particulière, au point que dans de nombreux lieux de soin elle s'est autonomisée des équipes pour devenir un lieu d'occupation intersectoriel. Ne resterait-il alors plus rien de l'esprit de la circulaire de mars 1958 ? 

Le travail, au sens où le développait Tosquelles, a permis qu'émergent de nombreux outils propres à l'exercice de la PT!, tant à partir du Club thérapeutique que par la dynamique qu'il génère dans les notions d'accueil, de Collectif, de réunions prises dans un processus d'institutionnalisation de la vie quotidienne, de greffes de transfert, autant d'outils pour que des espaces du dire puissent advenir, pour que les schizophrènes, les plus fragiles d'entre les fragiles, aient une chance de quitter le nulle part où ils errent. 

V - Pour approfondir 

Olivier Apprill, Une avant-garde psychiatrique, le moment GTPSI (1960-1966), éd. Epel, 2013 

Patrick Faugeras et collectif, L'ombre portée de François Tosquelles, Erès, 2007 

Institutions n° 29, Le travail (Revue inter-associations culturelles, revue-institutions.com) 

Institutions n° 31, Histoire et transmission, François Tosquelles (Revue inter-associations culturelles, revue-institutions.com) 

Marie-Françoise Le Roux, L'actualité des clubs thérapeutiques, Champ social éditions, 2005 

Jean Oury, Psychiatrie et psychothérapie institutionnelle, Champ social éditions, 2003 

Jean Oury, Le Collectif, Séminaire de Sainte-Anne, éd. Du Scarabée, 1986, éd. Le Champ Social, 2005 

Jean Oury, L'aliénation, Séminaire de Sainte-Anne, Galilée, réed. 2012 

François Tosquelles, Pédagogie et psychothérapie institutionnelle, 1966 

François Tosquelles, Le vécu de la fin du monde dans la folie, 1986 

François Tosquelles, L'enseignement de la folie, 1992 

François Tosquelles, De la personne aux groupes, Toulouse, Eres, 2003 

François Tosquelles, Cours aux éducateurs, Champ social, 2003 

François Tosquelles, Fonction poétique et psychothérapie, Toulouse, Eres, 2003 

[voir également sur ce site le texte de la Circulaire du 4 février 1958 "portant organisation du travail des malades mentaux en traitement dans les hôpitaux psychiatriques", signée Houphouët-Boigny, ministre de la Santé]

Frank Drogoul, psychiatre, responsable pédagogique du Diplôme d'Université Psychothérapie institutionnelle, Paris 7 [2013]

L’art-thérapie face au deuil

par ART THÉRAPIE / POURQUOI PAS/ BIOT / OCÉANE GRIM·MERCREDI 18 JANVIER 2017


L’art-thérapie face au deuil procure à la personne endeuillée un espace ritualisé d’accueil et de transition – une parenthèse bienveillante – qui vient accompagner son deuil en cours. Au processus naturel de cicatrisation dans le temps, la pratique d’une activité artistique non contraignante, adaptée à chacun et régulée par le soin, génère un supplément d’humanité, de mieux-être et de relais dans la peine.

Une thérapie à médiation artistique!!
Le passage obligé du deuil s’ouvre d’autant plus – en douceur – à la quête de sens qu’il croise l’appel du jeu, les ressources créatives et l’alliance thérapeutique.
Un atelier d’art-thérapie, en séance individuelle ou collective, n’est pas un loisir ni un passe-temps ; non plus  un enseignement artistique. Il intègre les règles de confidentialité, de non-jugement et de respect des participants.
Sa fréquentation est compatible avec une démarche d’analyse ou de psychothérapie, effectuée au-dehors.
Quelle durée ?          dispositif individuel : engagement sur sept séances (deux mois), à prolonger ou non d’un commun accord.
La durée de la prise en charge tient compte de la singularité du deuil comme de la capacité de chaque personne à se confronter à sa souffrance et à rompre avec elle. La fin du soin s’établit sur le constat que le ou la participant (e) a acquis le sentiment de pouvoir réinvestir sa vie hors de l’activité.

Objectifs de l’art-thérapie face au deuil

Reprise en main: La personne endeuillée participe à sa propre réorganisation intérieure ; remise en mouvement dans les jeux de l’art-thérapie, elle lutte plus activement contre l’inertie et la dépression latente.

Détente : L’actualisation des émotions du deuil, rendues supportables grâce aux filtres des poèmes et aux exercices de théâtre, libère du trop-plein de la souffrance ; elle procure une détente, un mieux-être corporel et psychique.

Acquisitions : Peu à peu, les repères structurants du langage poétique parviennent à stopper le ressassement et à nommer l’innommable. L’appropriation des poèmes revalorise l’image de soi en berne et renforce l’identité défaillante. Jouer avec le dire poétique contribue à faire émerger un « je » allégé. Le jeu théâtral raccorde celui ou celle qui joue à la dimension créative du plaisir.

Sens : L’art prend sa place dans la quête d’un sens à donner à la perte, dans le maintien ou la reconstruction du lien, ainsi que dans le consentement à devenir autre (deuil du soi ancien).

Continuité : L’accès à la détente, la quête de sens et le réveil de la créativité concourent à rendre perceptible la présence d’un sentiment de continuité à vivre, aimable pour chacun.

Réadaptation : L’art et le jeu en thérapie mènent le deuil ailleurs ou à côté : de la sorte, s’effectue plus souplement le réajustement progressif de la personne endeuillée à son environnement social.

Prévention : La prise en charge (individuelle ou collective) de l’art-thérapie, en accompagnant le travail de séparation, prévient le risque de dérive vers un deuil compliqué ou pathologique.

https://www.facebook.com/notes/art-th%C3%A9rapie-pourquoi-pas-biot-oc%C3%A9ane-grim/lart-th%C3%A9rapie-face-au-deuil/1379658842065930

lundi 16 janvier 2017

DIPLÔME UNIVERSITAIRE ART-THÉRAPIES

Maïté Jarrige, Jean-Luc Sudres, Gilles Brandibas  et J-LAA

Nouvelle campagne de candidatures

DIPLÔME UNIVERSITAIRE ART-THÉRAPIES

UNIVERSITÉ TOULOUSE - JEAN JAURÈS

2 années universitaires 2017-2019

420 heures en 5 semaines/année sur le site de l'université
+ 140 heures de stage

Informations : 05 61 50 42 29 - 05 61 50 41 70

Margot Mauroy : margot.mauroy@univ-tlse2.fr


UNIVERSITÉ TOULOUSE - JEAN JAURÈS
Formation Continue–
5 allées Antonio Machado
31058 Toulouse Cedex 9 >

Directeur pédagogique du DU Art-thérapies : Pr Jean-Luc SUDRES

mardi 10 janvier 2017

Avec le cannabis, le cerveau est mal irrigué

VIDÉO - Une circulation sanguine altérée pourrait expliquer la détérioration de certaines facultés cérébrales.

La plus grande étude réalisée à ce jour par imagerie cérébrale des consommateurs réguliers de cannabis révèle une baisse de plus de 10 % de l’irrigation sanguine de leur cerveau. Les chercheurs d’un institut californien spécialisé ont comparé la circulation sanguine du cerveau au repos de près de 1000 fumeurs réguliers, reçus dans neuf cliniques du pays, à celle de témoins sains. Cette mesure a été faite par imagerie TEMP, une forme proche du PET-Scan qui permet d’évaluer le flux sanguin en 3D dans tout le cerveau.

«De telles anomalies n’existent pas avec le tabac seul et pourraient expliquer en partie l’augmentation récente du nombre des AVC observée chez les moins de 50 ans en Europe et aux États-Unis»
Valérie Wolff, neurologue aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

Elle a révélé que dans plus de neuf cas sur dix, l’irrigation sanguine s’avère inférieure à la normale. Cette réduction est particulièrement marquée dans des régions telles que l’hippocampe, impliqué dans l’apprentissage, l’attention et la mémoire, ainsi que le cervelet, responsable de la bonne coordination des mouvements.

Ces résultats corroborent la détérioration de ces facultés observée chez les consommateurs réguliers de cannabis. «De plus, précise Valérie Wolff, neurologue aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, cette étude est en accord avec ce que nous avions montré précédemment chez des consommateurs encore jeunes de cannabis victimes d’attaques cérébrales qui présentaient des rétrécissements réversibles des vaisseaux cérébraux, notamment de l’artère postérieure qui irrigue l’hippocampe. De telles anomalies n’existent pas avec le tabac seul et pourraient expliquer en partie l’augmentation récente du nombre des AVC (accident vasculaire cérébral) observée chez les moins de 50 ans en Europe et aux États-Unis.»

La chercheuse, qui a déjà trouvé que la consommation régulière de cannabis était un facteur de risque d’infarctus cérébral du jeune adulte, lance maintenant une étude multicentrique pour l’évaluer en France.

D’autres études ont déjà mis en évidence une réduction de la matière grise du cerveau en fonction de la consommation de cannabis.

Plusieurs indices suggèrent que cette faible irrigation du cerveau peut être directement attribuée au cannabis. Tout d’abord, des complications cardiovasculaires ont aussi été retrouvées chez ses consommateurs réguliers. Ensuite, d’autres études ont déjà mis en évidence une réduction de la matière grise du cerveau en fonction de la consommation de cannabis, preuve d’un effet délétère global sur le cerveau. Enfin, le THC, l’un de ses principes actifs, réduit directement la respiration des cellules nerveuses et donc leur activité. Il altère l’activité des mitochondries, les structures chargées de produire de l’énergie dans les cellules, ce qui suffit à perturber la capacité à mémoriser ce que vient de montrer chez la souris une équipe du Neurocentre Magendie à Bordeaux dans la revue Nature.

L’étude publiée par les chercheurs américains dans la revue Journal of Alzheimer’s Disease avait pour objectif initial de mieux connaître l’effet du cannabis sur le cerveau car sa consommation est déjà autorisée dans dix États américains pour traiter la maladie d’Alzheimer. L’hippocampe étant aussi l’une des premières structures du cerveau lésées par cette maladie, ils en concluent que le cannabis doit être utilisé avec prudence. De plus, si les preuves de la nocivité du cannabis sur le développement et le fonctionnement du cerveau ne cessent de s’accumuler, aucune étude clinique n’a encore démontré un quelconque intérêt thérapeutique de ce produit a récemment rappelé une enquête approfondie parue dans la célèbre revue JAMA.

La rédaction vous conseille :
Légalisation du cannabis: le débat doit s’appuyer sur des données scientifiques
Marseille: pétition pour la légalisation du cannabis
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Le cannabis, un marché légal de plus de 5 milliards de dollars aux USA
Ce que disent les présidentiables de 2017 sur le cannabis


Sources: 
http://sante.lefigaro.fr/article/avec-le-cannabis-le-cerveau-est-mal-irrigue?een=1488b29193a022c78319f5340408c97b&m_i=WXNW_uQIU5dtgkyEuGzv8qID1XFfAWLLoLfA8rgjQaVl54T1fzDWMxTuiS8D1NTve%2BQ6pQyjWWaLI0JyJ75KqkYSnO6Cnh&seen=6#xtor=EPR-300-[sante]-20170110

Psychose du post-partum : quand l'accouchement rend folle !


© Photomontage Prod Istock

Chaque année, des centaines de jeunes mères souffrent de bouffées délirantes pendant quelques jours ou quelques semaines. Un enfer qui, bien pris en charge, se surmonte. D'où l'importance d'en parler.

Lorsqu'elle compose le 15, sans réveiller son compagnon, en pleine nuit, enfermée dans les toilettes de son appartement, Joséphine, 34 ans, ne dort plus depuis plusieurs jours. Elle a des hallucinations auditives, entend les pleurs de son bébé avant qu'il ne se réveille, sent des ondes magnétiques balayer son cerveau, imagine qu'elle pourrait lire dans les pensées des autres. « Le coordinateur du Samu, à Paris, m'a dit de foncer aux urgences psychiatriques de Sainte-Anne, raconte-t-elle. Là-bas, on m'a donné un Xanax, j'ai dormi quatre heures. J'y suis restée deux semaines. »


Joséphine n'avait jamais eu de trouble psychiatrique, avant un accouchement supplice de vingt-deux heures, où elle sentit son esprit vaciller. « Sous l'effet de l'épuisement et de la douleur, j'ai vu mon corps et mon esprit se dissocier, confie-t-elle. Dans les jours qui ont suivi, j'avais beaucoup de mal à m'occuper de ma fille, je dormais très peu, j'étais traversée de crises de pleurs et de bouffées délirantes. Je me demandais : 'Est-ce normal de penser ça ?' »

« LE DÉLIRE PEUT S'ACCOMPAGNER D'HALLUCINATIONS VISUELLES OU AUDITIVES »

Ce genre de délire est la manifestation la plus spectaculaire de ce que l'on appelle la psychose du post-partum (ou psychose puerpérale), un syndrome étonnamment méconnu du grand public. Près de deux femmes sur mille sont concernées, le plus souvent dans les deux semaines qui suivent l'accouchement, parfois au-delà. Cela dure de plusieurs semaines à quelques mois, vingt-quatre heures seulement dans de rares cas. Cette version aiguë, terrible et mal connue de la déprime postnatale, se distingue du baby blues, plus courant, vécu, selon les études, par 50 % à 80 % des femmes, et de la dépression, plus ou moins grave, ressentie par 15 % d'entre elles dans l'année qui suit. « Le délire peut s'accompagner d'hallucinations visuelles ou auditives, explique Jacques Dayan, psychiatre (1). Il arrive que les mères pensent que leur bébé est mort ou qu'on le leur a enlevé, elles entendent des voix murmurant qu'il n'est pas leur enfant, qu'il est le fils de Dieu ou du diable, qu'elles sont de mauvaises mères. Elles sont souvent incapables de se confier à leur entourage. Dans les cas les plus extrêmes, le délire peut aboutir à un infanticide ou à un suicide. C'est pourquoi il est une urgence psychiatrique absolue. » Si elle est plus fréquente chez des femmes qui souffrent déjà de troubles psychiatriques (30 % des cas), elle survient aussi sans antécédents psychiatriques. Son origine reste incertaine, les explications proposées par les spécialistes sont aussi bien d'ordre hormonal, génétique que psychologique.

« PARFOIS, C'EST UN ACCOUCHEMENT DIFFICILE, UNE NAISSANCE PRÉMATURÉE QUI SUFFIT À LES PLONGER DANS UNE PERPLEXITÉ ANXIEUSE ET DÉCLENCHE LA DÉCOMPENSATION ET LE DÉLIRE. »

« Selon une interprétation psychanalytique, le délire naît de l'impossibilité de symboliser un événement, comme le fait d'accoucher ou de devenir mère », décrypte Sarah Stern, psychiatre et psychanalyste, qui a exercé pendant douze ans en maternité à Saint-Denis (93). « Cet événement a eu lieu, mais ces femmes ne peuvent pas en accuser réception psychiquement, explique la Dr Stern. Elles sont désemparées et ne parviennent pas à investir leur bébé, car il reste un étranger. Elles ne ressentent pas le lien, ce qui engendre souvent une grande angoisse et une forte culpabilité. » Ces difficultés peuvent se nourrir d'une discontinuité, d'un blanc dans leur histoire ou dans leur filiation : elles ont été adoptées et ne le savaient pas, elles ont été confiées très tôt à une grand-mère, ont subi un abus sexuel... « Parfois, c'est un accouchement difficile, une naissance prématurée qui suffit à les plonger dans une perplexité anxieuse et déclenche la décompensation et le délire. »

« JE N'ARRIVAIS PAS À ME SENTIR MÈRE. »

Julie avait 29 ans et déjà deux filles lorsqu'elle est tombée enceinte de ses jumelles. Épuisée par sa grossesse, elle sollicite une naissance par césarienne, un mois avant le terme. Hémorragie, syncope, réanimation... L'opération se passe mal et la véritable rencontre avec ses filles n'a lieu que deux jours plus tard. Elle se reproche impitoyablement d'avoir souhaité cette naissance anticipée. « Je n'arrivais pas à me sentir mère. Je ne pouvais pas donner le bain à mes bébés car les voir nues dans l'eau me rappelait que j'aurais dû les garder dans mon ventre un mois de plus. » Son délire explose lorsqu'elles sont hospitalisées à l'âge 2 mois pour une bronchiolite. « C'était la confirmation que leurs poumons étaient fragiles car je les avais sorties trop tôt. » Elle fait plusieurs tentatives de suicide en avalant des médicaments et se taillade le ventre avec des lames de rasoir. « Je voulais effacer mes vergetures de grossesse, car je ne méritais pas de garder sur mon corps les signes que j'étais mère, confie Julie. Je ne sentais plus la douleur. J'étais certaine que ma famille serait mieux sans moi, sans mon angoisse. » Avec le recul, Julie se décrit comme hors d'elle-même. Une détresse terrible, qu'elle dissimule, en partie, à son entourage. « L'adhérence au délire est très forte, souligne Sarah Stern. C'est pourquoi il faut d'abord le diminuer avec des médicaments, voire envisager une séparation temporaire avec l'enfant. Ensuite, il faut aider les mères à remettre de la continuité dans leur histoire : avec un travail psychique, elles reconstruisent un lien très chaleureux avec leur bébé. »

Suivie en psychiatrie à domicile après ses tentatives de suicide, Julie a eu le sentiment d'être enfermée dans une image de « folle », sans que ses difficultés maternelles ne soient réellement questionnées. Même sentiment pour Joséphine lors de son passage « très dur » en psychiatrie adulte. C'est en intégrant, plus tard, une unité mère-bébé pendant six semaines qu'elle a réussi à apprivoiser son anxiété. « Je parlais avec un psy une heure par jour, j'ai pu construire le lien avec ma fille, qui dormait le soir en pouponnière. J'étais accompagnée pour lui donner les soins. L'équipe m'a aidée à comprendre que mon état était transitoire, que je devais accepter de le traverser pour en sortir. »

On compte seulement une vingtaine d'unités de psychiatrie mère-bébé (2), permettant l'hospitalisation de la mère et de son enfant. « La France et le Royaume-Uni sont les deux pays les plus en pointe, mais les places se réduisent dans une psychiatrie déjà sinistrée, résume Jacques Dayan. Malgré les avancées de ces vingt dernières années, le psychique chez la femme est souvent considéré avec dérision ou fatalisme. Ses manifestations émotionnelles sont essentiellement envisagées comme d'origine hormonale : une forme moderne de préjugés anciens. »

« IL FAUT PERMETTRE AUX MÈRES BOULEVERSÉES PAR LA PEUR DE FAIRE DU MAL À LEUR BÉBÉ DE S'EFFONDRER SANS S'ANÉANTIR. »

Nadège Beauvois-Temple, fondatrice de l'association Maman blues, insiste sur l'importance de comprendre l'impuissance à se sentir mère : « Ces femmes ont une maternité à construire. Ce n'est pas parce qu'on décompense qu'on est une mauvaise mère. Les horreurs qu'elles ont pu dire ou penser sont une exagération des inquiétudes qui traversent toutes les jeunes accouchées : vais-je réussir à m'en occuper ? Va-t-il m'aimer ? Vais-je l'aimer ? Les délires tournent souvent autour d'histoires de vie ou de mort : le bébé est le diable, il faut le tuer, on va l'empoisonner... Elles sont bouleversées par l'inquiétude et la culpabilité, la peur de faire du mal. Il faut leur permettre de s'effondrer sans s'anéantir. »

D'autant que, sous traitement, « le pronostic de la psychose post-partum à court terme est bon, assure Jacques Dayan. Même si des rechutes sont possibles et que des symptômes isolés persistent parfois pendant plusieurs mois. Le taux de récidive lors d'une nouvelle grossesse est évalué à un tiers ». On peut néanmoins le prévenir efficacement par un suivi psychologique et/ou médical.

Les femmes qui sont passées de l'autre côté du miroir gardent parfois un sentiment de traumatisme. « Comme après un accident de voiture », métaphorise Sarah Stern. Elles doivent reconstruire leur confiance en elles et retrouver celle de leurs proches. La femme de Jérôme, 34 ans, vient de reprendre le travail après avoir passé trois semaines en unité mère-bébé. Leur fille de 5 mois est « calme, souriante », malgré la tempête qu'ils ont traversée. Lui raconte sa peur et sa colère, se souvient de son angoisse quand il les laissait seules. Elle, dès les premiers jours à la maternité, ne dort plus, a des réminiscences très violentes d'une tentative d'agression sexuelle subie dans son enfance, se sent perdre pied avec la réalité jusqu'à croire que son mari est mort... Celui-ci a eu le réflexe salutaire de chercher du soutien autour de lui. « À ma grande surprise, beaucoup de collègues avaient rencontré des difficultés à la naissance d'un enfant », raconte-t-il. Pour sa compagne, c'est plus difficile. « Souvent la honte empêche ces femmes de se confier. Une dépression est plus facile à avouer, elle est beaucoup plus codifiée et acceptable socialement, souligne Nadège Beauvois-Temple. D'autant que ces mères sont souvent dans une forme d'idéalisation de leur rôle, qui prend la forme d'une exigence de perfection très vive. » Peut-être aussi parce qu'elles baignent dans des images sociales standardisées et hors sol de maternité forcément radieuse. Une autre forme de délire, collectif.

1. Auteur du Que sais-je ? « Les Baby-blues » (éd. Puf).

2. Liste des unités sur marce-francophone.fr

Merci à Florence Gressier, psychiatre, responsable de l'unité mère-bébé de l'hôpital du Kremlin-Bicêtre (94).

« CELA RESTE UN SUJET TABOU »

Dans « Post Partum », sorti en 2014 en Belgique, la réalisatrice Delphine Noels met en scène de façon très crue la descente aux enfers d'une mère (Mélanie Doutey) en proie au délire. Interview.

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© Prod'

ELLE. « Post Partum » est votre premier film, c'est un sujet sombre...

Delphine Noels. L'idée est née d'une conversation avec ma mère, qui m'a avoué que mes pleurs de bébé la plongeaient dans une urgence terrible, comme si un événement dramatique, une catastrophe nucléaire menaçait ma vie. Puis elle a eu un accident à l'oeil et ses angoisses se sont dissipées : la catastrophe était tombée sur elle. J'ai voulu me représenter cette plongée dans le délire en rencontrant des psys et des mères qui l'avaient traversé.

ELLE. Le film est très explicite...

Delphine Noels. J'ai écrit le scénario en pensant qu'il ne serait pas produit, je me suis donc très peu censurée. Je pense que cela reste un sujet tabou. Ces mères ont honte et n'osent pas en parler car elles ont peur qu'on leur retire leur bébé. C'est dramatique pour elles, cela les renvoie aux clichés de la femme folle. Je dis « femme », mais j'ai aussi vu des hommes fuir dans le délire après la naissance d'un enfant.

ELLE. Vous êtes devenue mère à la fin de l'écriture du scénario, comment a-t-il changé votre regard sur la maternité ?

Delphine Noels. J'ai pu l'accueillir avec ses gloires et ses misères, un peu libérée des injonctions à la perfection. Ma mère a traversé cet épisode et je ne me sens pas victime, je n'ai pas de colère en moi. Elle m'a transmis beaucoup de choses, le lien entre nous est très fort. Elle a reçu le film comme une déclaration d'amour.

Cet article a été publié dans le magazine ELLE du 23 décembre 2016. Abonnez-vous ici.

Publié le 4 janvier 2017 à 10h35
http://www.elle.fr/Societe/News/Psychose-du-post-partum-quand-l-accouchement-rend-folle-3406838

vendredi 6 janvier 2017

Psychiatrie, logique de l’isolement

par pirate
son site  : https://unchatsurlepaule.wordpress.com/
mercredi 28 décembre 2016


Je dois admettre qu’il est difficile d’être serein sur un sujet quand on l’a vu de l’intérieur. Quand on l’a subi. Pour le monde extérieur, pour les gens non traités ou dont les névroses ont été socialement acceptées ou qui ont su les cacher, le monde de la psychiatrie et plus globalement ce qu’on appel improprement la folie, est un univers anxiogène peuplé d’individus angoissants voire effrayants avec lesquels ils veulent avoir le moins à faire. Pourtant la psychiatrie en France c’est un peu plus de quatre cent mille patients, dont 10% de personnes de moins de 18 ans et 4% de personnes âgées de plus de 80 ans. Pour un patient comme moi, on est souvent confronté à cette réalité et qui pourrait se résumer à cette question : « mais pourquoi donc c’est moi qui suis traité et pas eux ? ». La réponse est toute trouvée, parce que leurs névroses et leurs psychopathologies ne les empêchent pas de fonctionner correctement en société. A vrai dire moi non plus dans la plupart des cas mais ma réponse émotionnelle si elle n’est pas traitée est en effet handicapante. Je suis bipolaire de type un. Concrètement cela signifie que j’ai un dérèglement de l’humeur dont l’origine est incertaine mais actuellement on s’orienterait vers l’explication génétique. Si je ne connais pas réellement de phase dépressive la plupart du temps, et si elles ressemblent à celles de monsieur tout le monde, mes phases maniaques peuvent m’entrainer vers ce qu’on appelle les « bouffées délirantes ». A savoir des phases où vont commencer à me venir des idées farfelues autour desquelles je vais construire tout un schéma d’autres concepts délirants. Au point extrême des bouffées on commence également à avoir des hallucinations, auditives, olfactives, visuelles. Il n’est plus alors question de se calmer, mais d’être hospitalisé dans les plus brefs délais. Les périodes d’hypomanies, chez tous les bipolaires, quel que soit le type vont s’accompagner d’une intense activité sociale, d’un besoin de verbaliser énorme, d’un débit de parole intense, d’une agitation constante, d’insomnies. Pour ma part j’ai été diagnostiqué à l’âge tardif de 35 ans suite à un burn-out. Et si je vous explique tout cela ce n’est pas pour vous raconter ma vie mais illustrer ce qui va suivre.

La thérapie du dressage

Quand il vous arrive ce genre de chose tardivement dans votre vie vous n’avez pas la moindre idée de ce qui se passe. Les délires, quand ils apparaissent, ne vous tombent pas dessus d’un coup, c’est une lente construction que vous nourrissez autant de vos interrogations que de vos doutes. Et comme la vie est une vilaine farceuse, parfois c’est elle-même qui va nourrir votre délire. Telle chose que vous imaginez se produit réellement, telle situation sociale prend une forme totalement inattendue et dans le contexte anxiogène. Vous avez l’impression de perdre le contrôle mais d’une manière si insidieuse que cela agit à vos dépens. Sans compter que dans le cas de la bipolarité durant les phases maniaques vous êtes dans la surestimation de vous-même, avec parfois des idées de grandeur ce qui n’arrange nullement votre état ni votre capacité à raisonner. Qu’enfin, plus vous commencez à vous rendre compte que votre état n’est pas normal, plus vous angoissez et moins vous êtes capable d’en faire part à votre entourage, notamment parce que ça fait peur à tout le monde à commencer par vous. L’un dans l’autre vous vous retrouvez du jour au lendemain aux urgences psychiatrique et là les emmerdes commencent réellement. Contrairement au monde médical classique, même après diagnostic, personne ne vous dira avec certitude ce que vous avez, car en fait non seulement on ne peut vraiment le savoir qu’au terme d’une étude attentive de votre cas mais en plus les erreurs ne sont pas rares. Or pour ce qui s’agit de l’étude de cas, la psychiatrie française a apparemment mieux à faire : vous bourrer de neuroleptiques. Et ainsi, en première instance, le psychiatre de mon service déclara à mes proches que j’étais schizophrène. Autant pour le secret médical que pour la justesse du diagnostic. Mais il faut garder à l’idée que dans l’esprit de cette psychiatrie-là à partir du moment où vous franchissez les portes d’un établissement vous retombez dans une sorte d’enfance où votre avis, votre comportement, n’a aucune espèce d’importance dans la mesure où il n’entrave pas le fonctionnement du service. Au moment où vous êtes admis, si vous n’allez pas directement en isolement, on vous fait porter un pyjama hors d’âge, porté par des milliers de malade avant vous, et remerciez l’infirmière et l’intendance s’il est à votre taille. Si vous montrez des signes d’amélioration, n’êtes pas agité, on vous autorisera à porter vos propres vêtements, puis à sortir dans le jardin de l’unité, voire au-delà, dans le parc de l’hôpital où vous êtes totalement livré à vous-même, sans la moindre surveillance. Précisons que ce traitement peut-être assoupli si par exemple vous ne montrez pas de signe de délire particulier à l’admission, vous pourrez éventuellement garder vos propres vêtements. Reste que personne ne vous explique jamais cette « thérapie » commune à tous les hôpitaux publics. Et je sais de quoi je parle puisque je suis hélas dans le domaine un Gault et Millau avec pas moins de sept hospitalisations, dont une en Angleterre. Personne ne vous explique non plus jamais ce que vous avez, ni les symptômes inhérents, c’est donc totalement fortuitement que j‘ai appris l’expression « bouffée délirante » et ce que ça recouvrait. Quant à ma connaissance de ma maladie elle tient à deux mots : internet et Iceberg, une association pour bipolaire. Résultat à ma première hospitalisation j’ai fait exactement ce qu’attendait de moi l’institution et je suis sorti au bout de trois semaines, absolument pas soigné…. Et il m’a fallu 13 ans pour accepter ma maladie, accepter l’handicap et même demander la pension qui allait avec.

La règle des trois i : Indifférence, Incompétence, Isolement

Selon un rapport de 2016 du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté l’isolement et la contention sont devenus monnaie courante dans les établissements psychiatriques. Selon les responsables c’est pour le bien des malades. Je ne crois pas non. Du temps où fumer était autorisé dans les lieux publics, j’ai eu l’occasion de voir le personnel de maintenance boucher le bas d’une porte afin que les malades « libres » ne puissent pas passer de cigarette à leur camarade. Or il ne s’agissait pas d’une mesure de sécurité, les chambres d’isolement sont composées… d’un lit avec un matelas ignifugé et éventuellement de sangles. Il s’agissait de coercition. Et la coercition on connait en hôpital psychiatrique. Que vous soyez venu en candidat libre ou en Hospitalisation d’Office ou à la demande d’un tiers, une fois dans l’unité, depuis les années 60, vous êtes enfermé à double tour. Et vos droits à la liberté sont souscrit au bon vouloir de votre psy, avec qui croyez-moi vous avez intérêt à vous entendre, les rares fois où vous le verrez. D’ailleurs c’est bien dans une chambre d’isolement censée protéger le malade de lui-même que j’ai vu une suicidaire échapper totalement fortuitement à la mort. Elle avait eu la mauvaise idée de tenter de se suicider au moment où l’infirmière passait pour son repas. Cinq minutes trop tard et la patiente protégée d’elle-même y passait…. Quand au personnel infirmier, s’il n’est pas hostile (ce qui arrive également…) il n’est simplement pas formé. Il est là pour administrer des médicaments, un point c’est tout. Il n’y a ni dialogue, ni groupe de parole, ni la moindre prise en charge. Au quotidien les patients passent leur journée à s’ennuyer, fumer, regarder la télé, se chamailler. Les heures de repas deviennent dès lors des moments privilégiés où on peut se remplir pour compenser son vide. A cela s’ajoutera une prise de poids obligatoire sous l’effet combiné des médicaments et de l’inactivité complète, autant pour l’image de soi… Si pour une raison ou une autre un malade est pris de crise de larmes, ou s’agite, la réponse des infirmiers sera dans le cas le plus commun de recommander l’isolement et sur le moment de tenter de calmer la personne en devenant parfaitement anxiogène. Etre soi-même malade et devoir expliquer à des infirmières qu’elles font plus de mal que de bien à telle personne est un moment assez savoureux pour qui voudrait savoir à quoi ressemble une poule devant un couteau. Faire avouer à un patient quel a été l’élément déclencheur de sa pathologie, alors qu’il ne l’a jamais raconté à un psychiatre de son propre aveu, en dit long sur la capacité d’écoute de ceux-là. D’ailleurs les psychiatres pour la plupart n‘écoutent non seulement pas mais n’ont pas le temps. Ils passeront une voire trois fois par semaine, verrons une quinzaine de patients à raison de dix minutes, un quart d’heure par cas en étant parfaitement incapables de déceler quoi que ce soit. Ainsi tel paranoïaque schizophrène me racontait son projet d’assassiner quelqu’un à sa sortie, je doute que le médecin ait jamais eu vent de ce projet. Ainsi j’expliquais à tel psy que cette relation allait non seulement les duper mais finirait par concrétiser ses multiples tentatives de suicide. L’intéressé m’expliqua avec une assurance sans borne qu’ils savaient parfaitement y faire avec les gens qui simulaient leur bien être et qu’il saurait soigner la personne. Quatre mois après cette conversation, mes prédictions se réalisaient. Et quand on contacta son psy pour le tenir au courant, sa réponse lénifiante fut « je ne comprends pas elle avait l’air d’aller très bien  ».

Psychiatrie, logique sécuritaire et déficit de personnel.

Soyons juste, les professionnels eux même ne sont pas aidés. Et comme le trait commun des politiques français semble être plus l’enrichissement personnel et la mise en orbite de leur carrière que le courage, ça ne risque pas d’évoluer. Depuis 92, il n’y a plus de spécialisation dans le domaine de la psychiatrie pour les infirmiers. Il y a un tronc commun, à eux de se former eux-mêmes et sans que d’aucune façon cela soit obligatoire. De plus, cette spécialisation est mal vue en soins généraux. Vous y serez souvent considéré comme un incompétent ou un paresseux. Et en aucun cas, si vous voulez revenir dans l’hôpital classique vos années en psy ne valoriseront votre CV. Il s’agit donc d’un sacerdoce pour ceux qui veulent s’y consacrer. Sans compter que la formation, si elle est payée par l’état, induira de fait que vous effectuerez votre stage obligatoire dans le service qui conviendra à l’institution. Et telle infirmière débutante de se retrouver dans un service d’autistes lourds, géré par des aides soignantes sans formation médicale, un chef de service venant du domaine administratif et un psychiatre… qui n’a pas terminé ses études. Et je cite ici un cas que je connais personnellement. Vous vous retrouvez donc à devoir vous occuper d’un patient atteint de syndrome de Pica oublié dans les toilettes par les aides soignantes. Une personne atteinte de cette maladie ingère ses propres déjections, je laisse à votre imagination le soin de visualiser à quoi cela peut ressembler… Or la seule formation spécialisée que n’a jamais reçu cette personne ce sont des méthodes de protection physique non agressives pour se protéger quand un autiste de cent dix kilos vous coince contre un mur… Selon un rapport parlementaire de 2013, 20% des postes de psychiatre ne sont pas pourvu dans le public. Pourtant nous n’en manquons pas, pas moins de 22 psychiatres pour 100.000 habitants mais le plus grand nombre exerce dans le privé et 80% dans des agglomérations de plus de 50.000 habitants. Or d’ici 2018 40% prendront leur retraite. De plus l’hospitalisation d’office se généralise, plus de 50% des cas, et ce notamment grâce au cyclothymique Nicolas Sarkozy. En 2008, fort de son incompétence et sur la base d’un de ces faits divers qui lui servait de mode de gouvernance, le très dispensable président débloqua 70 millions pour sécuriser les hôpitaux, avec caméra, verrous, suivi des antécédents comme dans le cas d’un délinquant et durcissement des règles de l’Hospitalisation d’Office. Plus la création de nouvelle UMD, unités pour malade difficile. Dans les faits, la mesure d’exception d’HO devient la norme, offrant aux préfets un pouvoir bien au-delà de leur compétence. Mais ce pouvoir ils l’avaient déjà, soyons juste. A ma seconde HO en 2001, au bout d’un mois d’hospitalisation, contre l’avis du psychiatre qui me suivait depuis un moment, le préfet décréta que je n’étais pas prêt (évidemment je n‘ai ni été examiné, ni entendu) et en m’en recolla pour trois mois. Quatre mois au total dont je sortais non seulement épuisé mais pas plus soigné qu’avant puisque sur sept séjours, six ont été effectué en HO… Je précise que je n’ai jamais présenté un danger pour qui que ce soit, uniquement pour moi-même. Enfin dans les faits toujours, non seulement il n’y a strictement aucune surveillance hors des unités, ce qui donne lieu parfois à de violents incidents entre malades, non seulement le trafic de shit est florissant en milieu psychiatrique (et cannabis et neuroleptique ne font pas forcément bon ménage) mais en réalité on entre et on sort comme on veut d’un établissement psychiatrique, et je le sais d’autant que j’ai faussé compagnie à mes infirmiers anglais (où le régime est pourtant fort différent et nettement plus humain). A cela il faut ajouter qu’en raison du manque de lit (moins 22% depuis 94) et du déficit de personnel, dans une même unité semi ouverte on rencontrera des profils qui n’ont pas grand-chose à faire ensemble. Ainsi lors de mon dernier séjour je me retrouvais en compagnie de quatre délinquants (moyenne d’âge cinquante ans) dont un meurtrier bâti comme une armoire que tout le monde craignait un peu, à commencé par le personnel médical, et qu’absolument personne n’aurait été en mesure de maitriser si son caractère ombrageux avait cédé à une crise.

Psychiatrie, le grand retour en arrière ?

Comme le disait le docteur Jean-Claude Pénochet, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux « La contention est un indicateur de la bonne ou de la mauvaise santé de la psychiatrie. Plus la psychiatrie va mal, plus la contention sera utilisée.  » C’est précisément ce qui est en train de se produire, et ça ne risque par de s’arranger si on continue la gouvernance « fait divers » comme on semble vouloir le faire depuis 2000 où pas moins de 29 lois pénales ont été promulguées en 17 ans (autant pour la surpopulation carcérale… voir mon article à ce sujet). Or d’une part le risque zéro n’existe dans aucun domaine d’autre part, pour la moyenne des patients internés, la majorité ne présente qu’éventuellement un danger pour eux-mêmes. De plus il existe actuellement 10 UMD sur le territoire métropolitain, traitant un peu plus de 600 malades, à majorité des hommes, dont quatre crée entre 1910 et 1963… Ensuite il faut tenir compte du suivi, toujours indispensable. Les Centres Médicaux Psychiatriques sont surchargés, l’obtention d’un appartement thérapeutique dans le cas des patients en déficience d’autonomie sont très difficile à obtenir. Les règles concernant les pensions handicapés subornés à la sécurité sociale exigent, selon la logique très kafkaïenne de notre administration, qu’un malade ne pouvant pas travailler ait travaillé un minimum de 600 heures dans l’année. Quant à l’allocation adulte handicapé, elle ne court que sur deux ans renouvelable pour un montant… de 800 euros. Mais la maladie mentale ne recouvre pas le seul champ du malade, il y a l’entourage, si tant est que l’entourage n’ait pas foutu le camp ce qui n’est pas rare. Or vivre au quotidien avec un bipolaire ou un schizophrène n’est pas forcément chose aisée. L’entourage également a besoin d’être entendu et soutenu. Surtout qu’une pathologie mentale peut avoir comme origine ou conséquence une toxicomanie voire une polytoxicomanie. Les patients suffisamment autonomes pour prendre régulièrement leurs médicaments et veiller à leur comportement ne sont pas légion par définition. Sans compter que l’évolution d’une maladie peut amener à un changement d’ordonnance. Et tous les médicaments qu’on vous donne sans discernement et souvent sans limite de temps peuvent s’avérer dangereux à la longue. Le Risperdal, prescrit comme anti psychotique, mentionne tout de même dans les contre-indications « peut donner des envies de suicide aux personnes sujettes à la dépression ». Et la Dépakine provoque des malformations intra utérines. Tel patient m’expliquait qu’il avait demandé un changement de prescription en raison de panne sexuelle. Après que son médecin ait nié toute implication du dit médicament (ce que pourtant je pouvais confirmer…), il est allé voir un autre médecin, qui lui a prescrit un nouveau médicament avec pour effet… de lui déclencher une crise. Et si la prise de poids est si rapide en unité c’est essentiellement parce que par soucis d’économie ont prescrit des produits moins chers mais qui vous font grossir. L’un dans l’autre il est essentiel pour le plus grand nombre d’être sinon encadré, suivi, et non pas maintenu dans l’état d’assistanat infantile que propose la Cotorep ou l’hôpital lui-même mais accompagné dans l’autonomie. Or pour tout cela il faut du personnel spécialisé, il faut également des médecins et des infirmiers qui aient non seulement de l’initiative, l’envie d‘innover mais surtout qu’on écoute. Hélas à ce jour ce que le personnel politique écoute essentiellement c’est le mugissement des instituts de sondage.

 http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/psychiatrie-logique-de-l-isolement-187961