mardi 1 septembre 2015

SENTIMENTS GERIATRIQUES REVISITES…



Une femme qui après avoir pris le bus attend les horaires de visite pour voir son mari en bas de la maison de retraite : elle y passera la journée pour rentrer chez elle dans la maison trop grande et vide !
Combien d’histoires de vie semblables sont-elles similaires ?
Cette femme, Mme D. m’attend dès le premier jour de mon arrivée dans mon nouveau service ; ses propos furent "maintenez mon époux en vie !". Ce patient-résident hémiplégique et aphasique a une autonomie passive de type lit-fauteuil. Il comprend néanmoins et s’exprime avec une ardoise . Ne demandons plus à ce type de malades s’ils vont bien… ils vont à moitié ! Son épouse refuse de sortir avec M D. dans le parc. Deux mois plus tard voit se déclarer chez elle un cancer évolué dont elle décèdera deux ans plus tard. Sa fille unique refuse alors que l’on dise la vérité portant intelligible pour lui à son père. Elle reprend le même itinéraire en talons aiguilles. Nous apprenons alors que sa mère n’ouvrait plus les volets de la maison vide. Les commerçants retraités avaient été séparés par la maladie.
Nous pourrions être condamnés par ce malheur, penser comme le poète que « le bonheur c’est du chagrin qui se repose »…qu’un homme n’est perdu que lorsqu’il s’abandonne et croit s’innocenter par le malheur . Il ne cesse alors de se complaire dans ses  tourments, il y joue une comédie sacrificielle qu’il retourne contre autrui. Se croyant  « purifié » par le malheur il condamne les autres : près de lui les joies sont coupables et le bonheur n’est qu’un aveuglement  égoïste.
Il n’y a qu’un seul « péché »mortel, c’est de renoncer au bonheur, car nul n’y renonce pour soi, qui n’en détruise selon sa part les conditions pour ceux dont il est proche. Où l’on voit que c’est dire une seule et même chose quand on dit : il faut aimer et être heureux, il  faut s’aimer soi même et vouloir être heureux.
L’épilogue est « heureux » : la petite fille de M D viendra le jour de son mariage en robe blanche avec son mari dans la chambre de son grand-père…

Par le Dr François de la Fournière, 
Médecin gériatre, écrivain, membre de l'ARAT.

Je remercie le Dr de la Fournière pour sa participation à Blogarat.