mercredi 8 juillet 2015

Armentières: «Aile 10», l’expo qui ouvre les portes de la psychiatrie à l’art, et vice versa

 PAR DELPHINE TONNERRE

Un couloir. Dix chambres. Un an de travail. Le projet « Aile 10 », visible tous les week-ends à l’EPSM, est saisissant. Visuellement, humainement, symboliquement. Ces espaces de soin ont été transformés en lieux de performance artistique. Avec des plasticiens, des soignants, des étudiants et des patients.

 On imagine leur présence. On perçoit la solitude des patients, la bienveillance des soignants, la perplexité des visiteurs. Dans les chambres de ce bâtiment aux allures de petit pavillon, il y a encore deux ans, des personnes étaient hospitalisées. Le projet de l’aile 10 de la clinique G18, un jargon spécifique à l’Établissement public de santé mentale Lille métropole, a été de confier ces espaces. Aux patients et soignants de la clinique Shackleton de Comines, à trois plasticiens, Philippe Declerck, Emmanuelle Gailliez et Stéphanie Sigward et à des étudiants des écoles supérieures d’art de Tourcoing et Dunkerque. En passant chacune de ces dix portes, on accède à dix interprétations. Ici, le lit est au plafond et tout a été installé à l’envers. Là, des escargots (des vrais !) mangent de la salade et sont enfermés. Plus loin, une tapette à souris géante est posée dans une chambre fromage. La plus belle, en toute subjectivité, est celle des papillons. La chambre est entièrement tapissée, meubles et linge compris, de ces insectes aux ailes déployées.

 « Lieu qui rassure, lieu du chaos »

Le Dr Nadia Baba et Pascal Bourgeois, cadre de santé, soulignent « l’implication des équipes pour mener à bien ce projet » et le soutien « inconditionnel » de la direction, dans le cadre des 400 ans de l’EPSM : « C’était une expérience professionnelle et artistique inédite qui a apporté à chacun. » Le Dr Baba y voit aussi le signe d’une politique ouverte de l’établissement vers l’extérieur. Le projet ne sera effectivement que pleinement abouti s’il permet au maximum de personnes de venir à l’EPSM. D’y être saisi par l‘étrange, le beau, le bizarre. On est parfois surpris par la présence d’un énorme tuyau de chauffage, interpellé par ces clous qui tapissent le lit. On y lit que « la chambre est le lieu qui protège, rassure et guérit, mais aussi le lieu de l’inconfort, de l’imprévisible et du chaos ». Chaque espace apporte un propos, un regard, un intérêt. Que la visite crée le malaise ou l’enchantement, elle suscite une véritable émotion.


 « Aile 10, entre culture et acculturation », clinique du pôle G18, EPSM Lille-métropole 104, rue du Général-Leclerc. Ouverture tous les week-ends en juin, de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h (puis aux Journées du patrimoine les 19 et 20 septembre). Entrée libre

 Nous remercions Geneviève Claverie pour cette documentation.

Jean-louis Aguilar-Anton / Art'Blogueur