vendredi 3 avril 2015

Leopold RABUS à Montpellier

Le Carré Sainte, sous la Direction de Numa HAMBURSIN, présente une Exposition composée d'une quinzaine de grandes toiles de Léopold RABUS.

Ce jeune peintre suisse de trente huit ans, tire son inspiration de sa campagne natale peuplée d'animaux et d'êtres mystérieux, investis par ses fantasmes.
Ses modèles sont les maîtres du ''Clair-Obscur'', du Naturalisme voire de l'Hyper réalisme'' transgressif, à la limite du Surréalisme.
Il est influencé par le travail préalable qu'il a développé au théâtre et par les techniques vidéos et cinématographiques qui le plongent dans la modernité.

L'exploration et la description en diagonale de quelques œuvres s'avère périlleuse car elles sont subjectives, contingentes et partiales. Elles mêlent la polysémie des significations de l'artiste aux projections du critique. Alors qu'elles devraient laisser place à la libre interprétation du spectateur. Aussi c'est en amateur lambda et avec un regard neuf qu'il conviendrait d'aborder ces œuvres.

Quatre toiles, plus ou moins arbitrairement choisies vont faire l'objet de notre attention :

                                                             La Femme au Canari.

                               

Une femme nue, un bandeau blanc sur la tête, nous donne à voir de magnifiques fesses sur lesquelles tombe une lumière crue. Elle est observée de 3/4 et de dos. Elle tient fermement, dans sa main droite un canari. Elle regarde également un autre canari s'agitant dans sa cage. Une obscurité progressive les enveloppe.
Nous assistons vraisemblablement à une méditation sur le Désir féminin ainsi qu'une réflexion sur la Liberté.


                                                                              Le Jeune


 Dans un taudis innommable, des récipients métalliques sont suspendus par des ficelles comme dans un mobile de CALDER 
Un homme d'allure grotesque est assis sur une caisse de bois. Il contemple son abdomen blafard. Il touche son flanc droit de sa main gonflée qu'on devine noircie, nécrosée. Son doigt pointe une plaie qui suinte encore et dont on ne comprend pas la cause. Mais on pense à l'endroit où le Christ fut percé d'un coup de lance.
Ce réalisme analogue au tableau de RIBERA, ''Le Pied Bot'', évoque un documentaire sur le Quart-Monde.

                                                                         Du Dur au Mou


Ce titre, digne d'un ancien élève des Beaux-Arts, nous dévoile une femme allongée, vêtue d'une robe en dentelle, bleu-noir. Elle est recroquevillée, en position de défense. Est-elle dans un demi-sommeil ou pleure-t-elle dans ses mains ?
Elle est entourée, comme dans un ring par des cierges dressés et menaçants. Ils délimitent un espace restreint mais vide. La perspective est distordue. La femme est en décubitus latéral gauche, de face, à droite, et presque sur le dos au niveau du bassin et des membres inférieurs.
Un linge couleur chair se verticalise au voisinage de son sexe.
On note une grande bassine d'eau noirâtre en avant et une autre rougeâtre sur la droite.
Des rayonnages étiquetés, verticaux, au fond, comme dans une bibliothèque ou une clinique, s'ouvrent et s'inclinent à gauche, dans une perspective improbable.
Trois lampes tempête éclairent les jambes de la jeune femme.
La symbolique mortifère des cierges réveillent des fantasmes dans ce lieu évoquant une sacristie aux allures de salle d'opération clandestine.
Quel drame affreux a du vivre cette femme ''clivée'' comme dirait LACAN ?
Notons le Réalisme d'un arrêt sur image dans ce Clair-Obscur de la Psyché et de la peinture.

                                                                      Appâts d'eau douce


Une tenture blanche, immaculée et déchiquetée, en croix, s'ouvrant vers le haut, laissant apparaître à ses pieds un magnifique parterre de fleurs couleur sang, rose et jaune.
Au fond et à droite, un arrosoir vert.
Trois à quatre poteaux l'entourent à distance. 
Au premier plan, une cruche ocrée, largement fendue, est recouverte d'un lambeau de la tenture blanche, rehaussé d'une fleur « rouge-vie ».
Entre ces trois éléments, qui resplendissent, une main coupée, verdâtre, crispée enserre des lombrics. 
Un fond brun sombre donne le tragique de la scène et fait ressortir la lumière.
Comment donner sens à ce tableau étrange qui ressemble à une nature morte.
La force dramatique, caravagesque, de la composition nous amène à évoquer un déplacement de sens, une allégorie, celle de la passion du Christ, sa crucifixion, la descente de croix, la mise au tombeau et sa résurrection.
D'autres toiles auraient mérité qu’on s'y attarde, traduisant l'amour de la nature et de l'écologie, la proximité des humbles, la dette envers les maîtres anciens, l'exacerbation des sens, la dynamique du mouvement, l'actualité brûlante et la transgression de la loi.

Léopold RABUS s'avère plein de promesses. Ses recherches et son inconscient nous laissent espérer de grandes réalisations futures que nous serons heureux d'admirer.

Sources :
Marcel MANTIONE
 
Mis en ligne avec l'aimable autorisation de Marcel MANTIONE