samedi 26 avril 2014

Didier NICOLAS, artiste-peintre...

J'ai rencontré Didier NICOLAS lors de son vernissage au restaurant "la Capitelle" du Golf de Lamalou-les-Bains, ce vendredi 25 avril 2014. Didier est un homme simple et authentique, qui m'a proposé une vision de l'art humaniste. Il parle se sa peinture avec ferveur et j'aime de surcroît les artistes passionnés.


Pour faire plus ample connaissance avec Didier NICOLAS :
"Il vit et travaille dans le sud de la France. Il nous propose au travers de ses compositions figuratives, un récit de portraits, de scènes de vie et de "remakes".


Passionné de sémiologie et de l'aspect signifiant de l'image, ses compositions dynamiques et intimistes nous parlent d'émotion, de sujets et de situations universelles et compréhensibles, s'inspirant du cinéma, du vitrail et de la bande dessinée, son mode de représentation qui fragmente l'objet en surfaces enserrées de noir donne un statut particulier au sujet."


Didier Nicolas parle de son travail :
"La composition est dynamique. Elle est le centre désigné de mon travail. La teinte est ce qui donne vie à chaque scène, à chaque objet représenté. Ainsi, le tableau devient actif...
A l'intérieur, dans chaque "partie", s'organise une vibration, à la fois autonome et tributaire de l'ensemble.
...L'image fixe est révolutionnaire parce qu'elle nous laisse le temps de penser à ce que l'on voit."


Contacts :
www.didiernicolas.com
Facebook : Didier NICOLAS, artiste-peintre
Tel : 0647095964



Mis en ligne avec l'aimable autorisation de Didier NICOLAS

Jean-louis Aguilar-Anton / Art'Blogueur

mardi 8 avril 2014

Groupe 1 : Théorie et clinique en Art-thérapie et médiations thérapeutiques

Samedi 29 mars 2014 a eu lieu le premier rendez-vous d'un de nos groupes de recherche au CEPATE (Centre d'Etudes et de Pratiques des Arts Thérapeutiques et Énergétiques) chez Bernadette Antonio à St Bauzille de la Sylve, charmant petit village entouré des garrigues de l'Hérault.

                                            Emblème du CEPATE

Nous avons travaillé suivant la méthode du cartel lacanien avec pour animatrice Gaëlle Van Ham / Psychologue clinicienne et Art-thérapeute.
Notre support étant le "Manuel des médiations thérapeutiques" d'Anne Brun, Bernard Chouvier et René Roussillon.

Notre discussion nous a porté à évoquer les phénomènes de groupe (R.Kaës) par rapport au groupe d'enfants en pédopsychiatrie.
Puis, je vous donne un bref aperçu de la teneur de notre débat :
-articulations thérapeutiques
-art, symbolisation et corps
-comment le clinicien apparaît au monde ?
-la psychose blanche, "L'Enfant de ça" A Green et J-L Donnet (1973)
-la question de la représentation-chose de l'absence de représentation par M.Milner
-le médium malléable
-le continuum d'existence
-la permanence de l'objet et l'accrochage à la symbolisation...

Bref, nous n'avons pas chômé et après le temps de travail, nous avons partagé une collation bien sympathique.

de gauche à droite :
Bernadette Antonio / Psychologue clinicienne, Art-thérapeute, Psychanalyste
Véronique Pons / Artiste et Art-thérapeute
Gaëlle Van Ham / Psychologue clinicienne, Art-thérapeute
Cynthia Seibert / Psychologue clinicienne
hors-champ :
Geneviève Dindart / Artiste, Art-thérapeute, Psychanalyste
Jean-Louis Aguilar / Art-thérapeute

Je remercie au nom du groupe Bernadette Antonio pour son accueil au CEPATE.
Je remercie Gaëlle Van Ham pour l'énergie qu'elle déploie pour faire vivre notre groupe.
Je remercie toutes les participantes de permettre à mon rêve de prendre corps et âme en faisant de l'ARAT une véritable association de Recherche.

samedi 5 avril 2014

Dialogue avec Arno STERN par Guy LAFARGUE (opus 2)

JOURNÉES PROFESSIONNELLES DES PRATICIENS D’ATELIERS D’EXPRESSION CRÉATRICE ANALYTIQUES © Meschers 2009

A l’automne 2009, Arno STERN nous a fait l’honneur, dans le cadre des journées professionnelles de notre Association, de venir exposer ses travaux sur le processus de la “formulation”, et de s’exposer lui-même aux questions corrosives que nous soumettions à son examen. Il s’en est suivi un échange musclé et généreux au cours duquel nous avons pu mutuellement poser notre différentiel par rapport au cadre des Ateliers d’Expression Créatrice Analytiques ©.

En voici quelques extraits :
Guy Lafargue : J’aimerais ouvrir ce débat sur une question qui est exclue dans votre élaboration théorique de l’expression, de façon sûrement délibérée de votre part, qui est la question de l’absence de l’expérience affective actuelle de la vie de l’enfant dans le jeu de création ; et de voir comment l’atelier n’est pas seulement un lieu d’actualisation de quelque chose qui est de l’ordre de la mémoire organique, mais qu’il y a aussi une mémoire historique. Il y a une question qui est celle de l’histoire affective de la construction de la personnalité de ces enfants, de ces adultes qui viennent dans l’atelier.
Quand vous rencontrez ce mouvement d’émergence des formes, vous observez seulement la formulation .
Alors ma question est de savoir comment vous, concrètement, vous observez aussi la présence de l’expérience affective. Comment cela se traduit, l'expérience singulière, historique, subjective, qui n’a rien à voir avec la génétique ?
Comment, dans l’atelier, sont accompagnés ces mouvements affectifs ? Comment transparaissent-ils à vos yeux dans la formulation et dans la relation singulière, affective d’Arno avec chaque enfant dans le cadre de l’atelier, et avec le groupe des enfants de l’atelier ?

Arno Stern : Il n’y en a pas. Il n’y a pas de relation affective. C’est tout à fait autre chose. Il faut savoir que, bien sûr, l’être a des sentiments, des sensations, des aventures, tout ce qui fait partie de la vie d’une personne peut être traduit par la formulation. Mais ça c’est, je dirais, l’aspect extérieur, l’aspect banal, tandis qu’il y a quelque chose de beaucoup plus originel, de beaucoup plus important, qui peut être formulé par la formulation et ça c’est absolument unique.
On peut parler de ses problèmes, de ses déboires, de ses déceptions ou de ses plaisirs, on peut en parler avec des mots, mais ce que la formulation permet de manifester échappe au discours, échappe à la réflexion, échappe au raisonnement et c’est ça qui le rend précieux.
Alors évidemment si un enfant a un malheur dans sa vie : il avait un poisson rouge et puis le poisson est mort, il en est attristé, s’il fait un dessin peut-être qu’il va représenter le poisson mais ça, ça n’a pas grande importance, ça c’est de l’ordre anecdotique. Ce qui est beaucoup plus important c’est ce qu’il y a en dessous ou en deçà de cette représentation.

De toute manière moi je ne m’intéresse qu’à la généralité, jamais au cas particulier. Moi je ne m’intéresse pas à l’histoire d’une personne. Ce qui m’intéresse moi c’est ce qui est universel, ce qui est commun à tous les êtres humains. Et lorsque je vous parle d’un phénomène, ce n’est pas un phénomène qui s’est produit chez une personne, mais c’est quelque chose qui est généralisable”...
“Il est important de connaître la formulation pour ne jamais être étonné de ce que trace une personne, pour ne jamais penser que ça contient un message et que nous pouvons être le récepteur d’un message. Je ne reçois rien, je ne reçois jamais un message, je ne suis jamais curieux, je constate tout simplement que ce que trace une personne, c’est ce que trace chaque personne. Alors, ça ne m’étonne pas.

Et je sais aussi, et il faut l’ajouter, que ce que trace une personne et que ce qui appartient à la formulation est définitif, n’est pas perfectible, donc l’idée de pouvoir corriger ou d’amener la personne à faire autrement, à faire mieux comme pensent les enseignants, et bien c’est une idée qu’il faut absolument abandonner lorsqu’il s’agit de la formulation.
L’artiste élabore une oeuvre, l’oeuvre est perfectible, il y a des retouches, il y a des reprises. Les artistes ont des repentirs, ils peuvent modifier une oeuvre en la contemplant, en méditant sur ce qu’ils ont tracé, il n’en va pas de même dans la formulation, la formulation se produit, et telle qu’elle se produit, elle est définitive.
Donc il faut savoir tout cela et ça détermine bien sûr la relation du praticien que je suis avec la personne qui trace.

Guy Lafargue : Il n’y a pas de parole dans vos ateliers ?

Arno Stern : Sur la trace non, jamais bien sûr.

Guy Lafargue : Je me demandais si pour vous, finalement, la formulation serait carrément empêchée par le fait qu’on laisse une place à l’expression de la vie affective ?

Arno Stern : Absolument. Dès l’instant qu’il y a parole, il y a raisonnement, il y a réflexion. Et justement ce qui est spontané échappe à la réflexion. Ce que le Closlieu permet et que seul le Closlieu permet c’est d’aller au-delà du raisonnable. C’est d’être déraisonnable durant la séance bien sûr, pas dans toute sa vie, mais durant le laps de temps que la personne passe dans cet endroit abrité et en présence du praticien servant que je suis, qui est toujours lucide bien sûr et bien en présence, dans ces conditions là, la personne peut se laisser aller à un acte qui n’est plus raisonné. Donc si on parlait de cette trace, on ramènerait cette manifestation au raisonnable. C’est ce que bien sûr, ce qu’il ne peut jamais se produire dans le jeu de peindre dans le Closlieu. Ce qui est manifesté dans la formulation c’est justement l’indicible. C’est ce qui échappe aux mots, mais c’est ce qui le rend si précieux, ce qui le rend si exceptionnel aussi et qui le rend vital pour la personne.”

Un autre extrait
Guy Lafargue : J’aimerais poursuivre et essayer d’entraîner une dynamique de dialogue à ce sujet. Pour la plupart des personnes qui sont ici - qui ont toutes vécu notre formation à l’animation d’Ateliers d’Expression Créatrice Analytique ©, elles ont appris avec plus ou moins de difficultés ce que vous êtes en train
d’expliquer, c’est-à-dire à agir dans une rigueur de service de la personne, d’être servant de chaque participant à l’atelier.
Nous avons appris aussi à de ne pas commenter les productions, à ne pas parler sur les traces. C’est quelque chose qui est acquis parmi nous, avec plus ou moins de difficultés, mais c’est quand même quelque chose qui fait partie de ce que les personnes qui sont ici ont appris.
Par contre, nous travaillons dans un plan d’expérience que vous n’évoquez pas, qui ne semble pas se manifester dans votre atelier - en tout cas c’est ce que vous dites - donc il y a une partie de votre action personnelle qui fait que ça ne se produit pas.
Dans nos ateliers, dans certains ateliers il y a quelque chose qui se produit parfois, par exemple qu’un enfant dont la maman est partie accoucher à la clinique, qui a mis au monde un petit enfant mort né. Cet enfant revient dans l’atelier avec un énorme chagrin, avec une énorme agressivité…C’est ça pour moi la présence d’événements affectifs que l’enfant va pouvoir travailler dans la formulation.
L’affectivité n’est jamais absente. Elle n'est jamais anecdotique. Et il y a des enfants chez nous, dans mes ateliers à moi il y a des adultes, des personnes qui sont ici, qui ont vécu l’atelier dans le cadre de mon animation pour lesquels j’ai rempli cette fonction…
Quelque chose d’autre que la seule formulation est ici autorisé : c’est la manifestation de l'expérience affective au travers de la formulation, et la possibilité de parler ensuite non pas de la trace, mais d’évoquer ces manifestations, ces résurgences affectives, dans un temps et un lieu différents au sein de l'Atelier que nous instituons. C’est-à-dire qu' après la séance d’atelier, il y a un moment où chaque personne a la possibilité de dire, non pas ce qu’elle a peint, ni comment s’est organisée sa peinture, ce que c’est que cette émotion, cette intense détresse parfois, ces émergences de souvenirs, souvenirs par exemple d’avortements qui ont eu lieu 15 ans, 20 ans auparavant et qui viennent faire retour grâce au libre jeu de la formulation.
Donc ce sont des événements de cette nature qui n’ont pas grand-chose à voir avec la naïveté, cet état natif de la formulation, mais qui est un investissement de la formulation dans laquelle la personne vient inscrire l’histoire actuelle de la douleur, l’histoire de la détresse, des chagrins…Et c’est vrai que chez nous, dans nos ateliers qui sont construits sur la même base d’accompagnement et de service de la personne, il y a de vraies
manifestations affectives. Il y a des gens qui éclatent en sanglots pendant qu’ils sont en train de peindre, que l’animateur va accompagner dans cette expérience très particulière d’une communication de portage par la parole, d’une parole qui n’est pas du tout occupée de la trace, qui ne porte pas sur la formulation mais sur la résurgence d’émotions intolérables dans l’instant présent, dont l’animateur va être un écoutant, un contenant. Donc on ne va pas seulement écouter les signes, on va écouter aussi ce que, dans nos métiers, on appelle les signifiants qui ne s’inscrivent pas dans l’histoire de l’humanité, dans la génétique, dans la généralité comme vous le dîtes, mais qui s’inscrivent dans l’histoire subjective, dans l’actualité de la personne et dans sa traversée humaine, singulière.

Arno Stern : Je sais que vous faites ça, je le sais très bien, je sais que c’est quelque chose de très courant".…"Moi je ne promets rien à la personne. Et j’ai un entretien avec chaque personne qui s’inscrit ou qui veut inscrire un enfant chez moi et j’explique pour que ça soit bien précis qu’on n’a rien d’autre à attendre que du plaisir. Et il est évident que ce jeu donne du plaisir et moi je pense que c’est essentiel d’offrir ce plaisir à chaque personne. Alors quel est le souvenir d’un avortement malheureux ou d’une personne qu’elle a perdus dans sa vie… Je trouve que ça n’a pas une grande importance en l’occurrence. Ici elle trouve du plaisir, je dis un plaisir mais c’est beaucoup plus que ça, c’est un accomplissement. Je vais vous dire pourquoi, c’est parce que si vous réfléchissez bien sur votre passé, pas sur les événements du passé, mais effectivement sur votre passé, vos souvenirs vous ramènent à la petite enfance, à une certaine époque de votre enfance, pas à votre naissance par exemple. Personne ne se souvient de ses premières années de vie, personne ne se souvient de sa naissance et personne ne se souvient de ce qui a précédé la naissance. Donc nous sommes des êtres qui n’avons pas de commencement. Ce commencement, nous l’avons perdu, nous ne le connaissons même pas et par la formulation nous retrouvons ce commencement, c’est pour ça que je parle d’un accomplissement et ça c’est beaucoup plus important que tous les accidents de la vie, que tous les événements qui ont pu se produire dans la vie d’une personne. Ça ne m’intéresse pas et la personne sait que ça ne fait pas partie du jeu de peindre”.

Les Actes des Journées professionnelles
des Animateurs d’Ateliers d’Expression Créatrice Art CRU
Cahiers de l’Art CRU N° 39
peuvent être commandés par mail (15 €) secretariat@art-cru.com

CAHIERS DE L’ART CRU N° 39
Sommaire
Revue sporadique consacrée aux pratiques liant l’expérience créatrice et la relation analytique
Rédaction : Guy Lafargue
Table d’orientation
page 1 - Crise / Création : Editorial par Guy Lafargue
page 7 - Les valises de Béatrice Belot Le Deley
page 15 - L’Atelier intergénérationnel par Catherine Stefann
page 23 - Le petit bout de Soi par Nathalie Siffert
page 37 - Instituer un temps de parole en atelier thérapeutique par J. Chauvin
page 47 - Expression créatrice et polyhandicap par Nadia Camps et V. Mortensen
page 55 - Pré texte à l’exposé d’Arno Stern par Guy Lafargue
page 57 - Ni dessin, ni enfantin : Exposé diaporama par Arno STERN
page 87 - Débat avec Arno STERN
page 105 Le CRU et l’éducation créatrice : Post-lude par Guy Lafargue
page 108 Le temps de l’enfance par Magali Putz
page 131 L’analyse des pratiques professionnelles par Sylvie Archambeau
Cahiers de l’Art CRU diffusion non commerciale
34 Rue Chantecrit 33300 Bordeaux - France

Site internet : art-cru.com


                 Atelier d'Art CRU (Atelier d'Expression Créatrice Polyvalent)

Opus 1 et 2 mis en ligne avec l'aimable autorisation de Guy Lafarge

jeudi 3 avril 2014

Arno STERN aux nues par Guy LAFARGUE (opus 1)

Voir un jour Arno STERN occuper, en toute familiarité au bras d’une adepte - Karine HEBERT - les pages d’un blog d’art et thérapie me place en état de sidération profonde.
Merci à Jean-Louis Aguilar de son ouverture à 360°. C’est bon pour la diaspora.

Arno STERN, le pourfendeur des artistes, des enseignants, des psys, des thérapeutes de toutes zobédiences…affiché dans la vitrine des zartérapies relevait de l’imprévu total. Il est donc là, sans doute avec son accord, et c’est tant mieux, Parce que c’est un sacré bonhomme que cet homme-là, têtu, inoxydable, mère-poule, qui a conduit une guérilla intransigeante à la Don Quichotte contre l’éducation nationale et tous les lieux de conformisme et de stérilisation culturels et artistiques.

Dans mon parcours de création de l’institution Art CRU et du modèle praxique des Ateliers de l’Art CRU, je dois beaucoup à l’expérience pédagogique d’Arno STERN et à la structure de son atelier d'éducation créatrice. Le renforcement italique du terme "éducation" marque clairement la ligne de partage entre les choix méthodologiques d’Arno Stern et ceux qui présideront à l'institutionnalisation progressive des pratiques originelles des Ateliers d'art CRU, sous les termes d' ateliers thérapeutiques d'expression créatrice analytiques ©

J’ai une considération profonde envers cet homme singulier - Arno STERN - et je lui voue depuis le début de ma carrière une fidélité soutenue à travers le temps (depuis 1969) malgré quelques bourrasques idéologiques sporadiques que j’ai pu déclencher auprès de lui ou de quelques uns de ses adeptes.

Cette estime profonde s’enracine dans sa pensée à la fois révoltée contre une pratique de l’éducation et de l’enseignement soumise à l’impérialisme de la culture artistique, contre ses perversions dans l'éducation nationale et dans l’univers psy; dans sa création pédagogique résolument innovante de son Atelier du Closlieu ; dans la conduite de ses travaux de chercheur sur le processus de la “formulation” et dans sa philosophie de l'éducation créatrice.L’ensemble de ses réalisations et de son travail de pensée sont pleinement actuels, incontournables, toujours neufs et vivants.

Lorsque j’ai rencontré en 1969 les premiers écrits d’Arno STERN, j’étais déjà profondément engagé au plan universitaire dans une filiation psychosociologique et analytique d’orientation Rogerienne. Mon travail de création pédagogique et de réflexion sur l’expérience créatrice et sur la relation analytique était déjà profondément nourri aux travaux de Carl ROGERS. J’avais déjà en partie forgé mes premiers outils de pédagogie non directive dans ce qui se pratiquait à l’époque sous le nom de “dynamique de groupe” (encore nommée “groupes de diagnostic”), auprès des étudiants de psychologie et de sociologie de l’Université de Bordeaux et auprès des étudiants de l’Institut de formation des éducateurs spécialisés. Pour ce qu’il en était de l’accompagnement du sujet dans un processus de développement respectueux de la personne, Carl ROGERS et Arno STERN constituaient un tandem terriblement excitant et efficace : l’un dans le domaine de l’écoute et de la parole, l’autre dans le domaine de l’invitation æsthétique. L’un et l’autre m’apportaient une satisfaction profonde chacun dans leur territoire : et par leur complémentarité et par l’harmonie de leur représentation du monde de la création de Soi.
Ma vie entière, aussi bien personnelle que professionnelle, a été précipitée dans l'aventure créatrice à partir de ma rencontre avec les premiers livres(1), d’Arno STERN et de l'entrevue qu’il m’avait accordée à Paris, il y a quarante six ans aujourd'hui dans son ancien Atelier connu sous le nom d’Académie du jeudi ; et de la qualité de l'expérience de deux années vécue chez son élève de Bordeaux, Marie-Annick MORIER ; et du rôle que j'ai moi-même ensuite joué dans son Association Girondine d'Éducation Créatrice (dont j'ai été un temps le président) qui a été le tremplin de mon engagement comme thérapeute en psychiatrie à l’automne 1972.
(1) “Réflexion entre éducateurs”,” Lʼexpression ou lʼhomo vulcanus” et son “Initiation à lʼéducation créatrice”.

Depuis 1975, année de naissance de mes premiers Ateliers d’Expression dans le champ de la formation permanente, j'ai été, auprès de mon public, un passeur fidèle et exigeant de sa pensée pédagogique, de sa conception du processus de l'expression créatrice qui ont été, dans mon propre parcours, un point de départ et une référence intangible, consistante, et qui le demeurent aujourd’hui.

Dans mon travail de formateur, j'ai toujours profondément respecté ses travaux et concouru de façon positive à le faire connaître dans les groupes de formation, tout en précisant ce qu'il en était de mes choix praxiques, en tension dialectique avec ceux d’Arno STERN. Comme on le dit des alpinistes, j'ai ouvert une nouvelle voie, m'appuyant sur un certain nombre de ses principes éprouvés, mais visant un autre sommet, encore inexploré. Notre point commun fondamental étant avant tout une conception du sujet humain et de son développement heureux dans le jeu de la Création.

J'ai expérimenté, tout au long de mes quarante années d’aventure professionnelle, le bien-fondé de sa théorie dynamique de l'Éducation Créatrice lorsqu’elle était appliquée au domaine du soin analytique. La problématique de la sémiologie de la formulation qui aujourd’hui préoccupe de façon très importante sa pensée n’était pas encore au point de maturité où elle se trouve aujourd’hui. Je n’y ai pas personnellement d’attachement.Le mien est entièrement occupé des rapports entre l’expérience créatrice et la relation analytique (qui sont selon lui hors champ), à la fois comme créateur engagé aujourd’hui dans un projet artistique, comme analyste/thérapeute capitalisant depuis plus de 40 ans les fruits d’une expérience totalement a-typique, et comme théoricien “expériencialiste” en travail de transmission des connaissances que j’ai acquises.

 A partir de mon implication dans la problématique du soin analytique (à partir de 1972) et dans celle de la formation, j'ai construit un autre modèle, inspiré de son dispositif, puissamment opérant auprès de personnes en grande détresse affective, pour lesquelles j'ai mis en chantier ma propre institution que j’ai nommée “Art CRU”. 

Pour ces personnes en souffrance profonde et en réelle demande de soin analytique, j'ai choisi d'ouvrir le cadre de l'Atelier à la dimension de la Parole, qui n'est en aucune façon assimilable à du commentaire de texte, ni à de l'interprétation des productions. La pratique de la Parole dont je parle, à laquelle Arno STERN oppose une fin de non recevoir catégorique, porte sur l’élaboration de l'expérience vécue par chacun dans le cours du jeu de création aux plans affectifs, émotionnel, psychique et mnésique, dans le mouvement même de leur émergence. Nous aurons peut-être là une occasion de partage au travers de ce blog :
asso.arat@gmail.com ou http://blogarat.blogspot.com

Les idées fondamentales d’Arno Stem sur les conditions de développement du processus expressif dans l'espace de l'éducation créatrice se sont avérées particulièrement fécondes dans le champ analytique. Elles sont en synergie profonde avec les conceptions Rogeriennes de la conduite du développement de la personne : 
 - non-directivité vis-à-vis du processus d'énonciation æsthétique tel qu’il se développe spontanément dans l’atelier,
 - abstinence d'évaluation morale ou de jugement esthétique sur la production, 
 - abstinence de toute interprétation des contenus explicites ou latents de la création, 
 - centration sur l'acte créateur et non sur l'œuvre, 
 - clôture protectrice de l'atelier par rapport au monde extérieur. 

Dans mon "transfert" de ce modèle à la situation de travail analytique dans le champ du soin à la personne et dans celui de la formation qualifiante des animateurs/analystes, j’ai fait immédiatement l'expérience d'un recouvrement harmonieux de cette structure avec les règles fondamentales propres au cadre thérapeutique. L'intégration simultanée de ces deux modalités, æsthétique et thérapeutique au cadre analytique, m’a très rapidement conduit à percevoir que les structures propres à ces deux espaces étaient porteuses d'une belle 
promesse de synergie réciproque entre l'influence Rogerienne et l'outil esthétique Sternien. 

A l' espace de la communication analytique, placé sous le primat de la parole et de la communication verbale propre à la discipline Rogerienne, la perspective Sternienne confère à la formulation picturale à l' œuvre dans l'expérience créatrice, le plein statut d'une parole. Elle venait à mes yeux inscrire dans le champ des savoirs constitués, des modes de pensée fondamentaux que la psychanalyse, en particulier dans ses dérives les plus intellectualisantes, avait bannis du commerce thérapeutique.

A l' espace de la formulation plastique Stemienne, fonctionnant sur un mode "circulaire" (narcissique et close sur elle-même), la perspective Rogerienne apporte l'ouverture de l'expérience créatrice à une possible mise-en-parole comme travail intime du sujet dans l’énonciation/révélation des processus psycho-affectifs qui constituent la matrice de l'acte créateur. Cette modalité de la parole analytique, lorsqu’elle est rigoureuse, réduit totalement l'écueil de l' interprétation réductrice des œuvres à juste titre dénoncée par Stern. Elle desserre les mailles inhérentes à la visée éducative qui empêchent toute mise en contact entre perception et signifiants originaires. La mise en parole de l'expérience vécue favorise la connexion entre les strates affectives, le jeu langagier, la méta-communication et les puissants effets d'expression émotionnelle à l'œuvre dans toute expérience créatrice authentique.

Le discours d'Arno Stem est totalement réfractaire à ce point de vue synergétique.Dans ses ouvrages,comme dans ses conférences, il fait de la clôture narcissique une véritable idéologie. Il défend, souvent avec une certaine virulence,une pureté doctrinaire inflexible à l'encontre de tous ceux qui sont engagés dans une recherche comme celle que nous conduisons. Pour Arno Stern, il semble définitivement exclu que des psychothérapeutes, des artistes et des enseignants, du fait même de leur "marquage" social et de leurs rôles, puissent comprendre quoi que ce soit au maniement de l'expérience créatrice à des fins de soin et de croissance de la personne. Il y a là une position de suspicion insoutenable, qui rend difficile une véritable co-élaboration.

Je me trouve donc vis à vis d'Arno Stern, dans une position assez paradoxale de filiation méthodologique clairement affirmée, respectueux de l' œuvre d'un maître, et de dissidence avérée. Je suis porteur fidèle d'une transmission exigeante de sa pensée et des principes de sa pratique, mais je conduis avec détermination un examen critique de son idéologie; je récuse la fermeture de son système de justifications de l'exclusion radicale des dimensions affectives du travail de la création.

Il y a, dans l'œuvre écrite de Stern et dans ses exposés publics, absence de toute considération pour cette thèse fondamentale selon laquelle, à l'origine de l'expérience créatrice, il y a les traces mnésiques toujours agissantes de la construction subjective de sa personnalité. Il y a chez lui un déni vigoureux de la dimension affective et des contrecoups émotionnels et psychiques, qui n'existent pas, dit-il, dans ses ateliers. Cela est bien naturel, puisque dans la structure elle-même en sont abolies par avance les possibles manifestations. Pour Arno Stern, l'acte expressif est la traduction de pures sensations, indemnes d’affects, inscrites dans une mémoire organique. Il invoque aujourd'hui une programmation génétique de la formulation sans qualité historique et sans singularité, concepts dont il célèbre la pureté archétypale immuable au détriment de la prise en compte des forces affectives à l’œuvre dans le processus de la formulation., celles précisément avec lesquelles nous travaillons en tant qu’analystes/thérapeutes, et qui se déploient de façon luxuriante dans nos espaces, parce que le cadre les y autorise.

Pour Stern, on pourrait affirmer que la pulsion métamorphique n’existe pas. Selon lui, la représentation picturale ne se soutiendrait que d’une pure mécanique chromosomique - la formulation - qui aurait pour seule fonction l’obéissance aux déterminations génétiquement programmées du tracé, qui seule fait jouissance dans sa perpétuation éternelle dans le jeu immuable du tracé. Là où moi-même je soutiens la prévalence de la transformation des affects en représentations comme fonction majeure du développement harmonieux de la personne. Métamorphisme rendu possible par le jeu du tracé dont Stern a fait une sémiologie rigoureuse. 

J’ai donc pris le parti : 
• De me servir de la structure/atelier et des règles fondamentales inventées par Stern, parce qu'elles sont opératoires dans notre propre espace de travail. 
• D'assurer, avec une fidélité optimale, la transmission à mes étudiants de la construction du cadre et du dispositif de l’Atelier d’Éducation Créatrice selon les principes pédagogiques essentiels élaborés par Arno Stern. 
• D'expliquer pourquoi j’accorde à deux des règles de son Atelier une valeur opératoire relative, de mon point de vue : celle, optionnelle, du lieu hermétiquement fermé sur l’extérieur (pas de fenêtre), car l'a priori de la fermeture totale a, selon moi, un fondement fantasmatique autant que fonctionnel; et celle de la propriété effective des productions par les personnes pour laquelle je considère que c'est au sujet lui-même de fixer, à la fin du contrat qui le lie à l'Atelier, s'il emporte ou laisse son classeur. 
En outre, j’introduis une innovation fondamentale, totalement exclue de l’univers sternien avec l'ouverture d'un temps d’élaboration de l’expérience vécue en deuxième partie de chaque séance d'Atelier, consacré à la formulation verbale de tout ce que la personne éprouve le besoin de communiquer de l'expérience subjective - affective, émotionnelle, psychique, mnésique - liée à son engagement dans le jeu créateur. 
                Expérience créatrice / photo Guy Lafargue / Atelier Argile vivante